Un type écrit sur MSN qu'il veut tuer ses anciens profs. L'escouade tactique débarque la nuit suivante, l'arrête et le fait accuser de menaces de mort.



Réaction de l'accusé, âgé de 28 ans, du fond de sa cellule: Eh! C'était rien qu'une blague!



Concédons-lui ceci: s'il fallait emprisonner systématiquement pour délit de mauvaise blague, nos prisons déborderaient d'humoristes.

Mais dans ce genre de dossiers, la défense d'humour fonctionne mieux quand on n'a pas cinq armes à feu sous son lit, incluant deux fusils-mitrailleurs semi-automatiques entreposés illégalement.

Il est également conseillé aux auteurs de menaces «juste pour niaiser» de se trouver un surnom plus festif que «Darkiller».

D'après mon expérience, il y a des juges qui risquent de ne pas la pogner. Jouent pas assez aux jeux vidéo pour saisir le deuxième degré dans toute sa subtilité.

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Les parents de l'accusé, David Abitbol, ont déclaré que la police avait fait «une grosse gaffe». Mais dans une ville qui a connu Polytechnique et Dawson, la grosse gaffe aurait été d'hésiter une seconde. Les policiers de la SQ ont au contraire réagi comme ils le devaient.

L'auteur de la tuerie de Dawson n'était pas non plus un «criminel» avant le jour J. Il avait la vingtaine, vivait paisiblement chez ses parents et ne leur donnait aucun signe avant-coureur de folie meurtrière. Il avait une fascination un peu intense pour les armes, mais elles étaient toutes légalement enregistrées et il pratiquait son loisir dans un club tout ce qu'il y a de légal.

(Je me demande toujours, d'ailleurs, comment il se fait qu'on vende légalement des armes de combat, même si elles sont «seulement» semi-automatiques destinées à ce «loisir» passionnant qui consiste à tirer sur des cibles de forme plus ou moins humaine - on ne va pas à la chasse avec ça. Avec ou sans registre des armes à feu, ça me paraît totalement absurde.)

Personne ne savait dans l'entourage du tueur de Dawson qu'il avait une autre personnalité sur l'internet, où il exposait ses fusils et ses fantasmes morbides. Quand le meurtre est survenu, certains se sont demandé comment il se faisait que personne n'avait rien vu, rien entendu: son site était suffisamment inquiétant. On ne peut évidemment pas tout voir, la police ne peut pas être partout.

Mais faut-il s'étonner, aujourd'hui, après Virginia Tech et les autres, que les policiers prennent au sérieux les «blagues» morbides d'un homme armé jusqu'aux dents?

Essayez de faire une bonne blague de bombe dans un aéroport, juste pour voir... On les rit moins depuis 2001.

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Il semble que ce soit une nouvelle pour certains: à la taverne comme sur l'internet, on est responsable de ce qu'on dit. Avis en soit donné à ceux, encore nombreux, qui pensent que Facebook ou MSN sont des espaces privés intersidéraux qui ne sont pas soumis aux lois criminelles ou sur la diffamation. Ce n'est pas le cas, les enfants...

Eh non! même avec un bon pseudonyme, on n'est jamais hors du cadre juridique.

Une menace, au sens du Code criminel, c'est une parole destinée à intimider. Que ce soit verbalement, par écrit, par signaux de fumée ou par pigeon voyageur.

Peu importe que la personne visée en soit informée, ou que les paroles aient été suivies par des gestes, ou même d'un complot. Il n'est pas nécessaire non plus que la personne visée se soit sentie menacée.

L'important, c'est le sens des propos et le contexte dans lequel ils ont été prononcés, nous dit la Cour suprême. Une blague, dites-vous? Ce ne serait pas la première fois qu'on présente cette défense.

Ça dépend des mots, ça dépend à qui on parle, ça dépend de plein de trucs qui font «le contexte» et qu'on verra mieux au procès d'Abitbol. On pourra décider si toute cette affaire est «un peu ridicule, genre» ou franchement inquiétante.

En attendant, rien ne donne à penser que la police a «exagéré».

En tout état de cause, il faut user de l'humour noir avec doigté à notre époque, surtout quand votre citation préférée et affichée est «Death is the only solution».