Cela faisait 17 fois que Roger Walsh plaidait coupable à une accusation de conduite en état d'ébriété. Il a fallu une 18e fois et la mort d'Anee Khudaverrdian, une mère de famille handicapée qui promenait tout bonnement son chien, le 23 octobre 2008, aux Cèdres, pour qu'il reçoive, de mémoire d'avocat, la sentence la plus sévère imposée jusqu'ici dans de telles affaires: la prison à vie.

«Ma fille est morte dans un fossé, le jour de son 47e anniversaire. Je n'ai ni eu le temps de lui souhaiter bon anniversaire, ni le temps de lui dire adieu. J'aurais préféré qu'il (Roger Walsh) reçoive une peine encore plus sévère», a dit la mère de la victime, Sara Khudaverdian, hier, à la sortie du Palais de Justice de Valleyfield.

Qu'est-ce qui aurait pu être plus sévère encore qu'une sentence à vie? Que Roger Walsh soit déclaré délinquant dangereux, ce que réclamait la Couronne et ce qui aurait aussi, en soi, causé un précédent dans une cause d'alcool au volant. Si tel avait été le cas, les conditions de libération de Roger Walsh, une fois sa peine purgée, auraient été autrement plus strictes.

Cependant, dans un cas comme dans l'autre, Roger Walsh est admissible à une libération conditionnelle après 7 ans. Le juge lui a aussi interdit, pour le reste de ses jours, de conduire une automobile au Canada.

Pour Clara Khudaverdian, la soeur de la victime, le juge est allé aussi loin qu'il a pu étant donné la loi actuelle. «Ce qu'il faut faire, c'est de changer la loi, pour que de telles personnes puissent éventuellement être déclarées délinquant dangereux. Nous allons continuer à nous battre pour cela. Il reste que, par sa sévérité, ce jugement est historique et qu'il perpétuera à tout jamais le nom de ma soeur.»

Le juge Michel Mercier a expliqué que Roger Walsh ne répondait pas aux critères, qui, dans la loi, définissent un délinquant dangereux. À cet effet, le juge Mercier a repris les propos du ministre de la justice Rob Nicholson qui, en octobre 2007, précisait que cette accusation ne pouvait être portée qu'à l'égard les personnes qui commettent des délits graves de façon délibérée, « des criminels de carrière, des personnes qui sont prêtes à le faire et à le refaire, à user de violence ou à agresser sexuellement les autres».

Le juge Mercier a donc opté pour la voie plus classique, mais en y allant de la peine la plus sévère en la matière.

Évoquant les 141 actes ou infractions criminelles au dossier de Roger Walsh et le fait que la criminalité était, dans son cas, «l'histoire d'une vie», le juge Michel Mercier a lancé à Roger Walsh, impassible dans le box: «Vous êtes incorrigible.»

La possibilité de récidive était évaluée de modérée à élevée, a poursuivi le juge. «C'est un risque, qui, quant à moi, est beaucoup trop élevé et que je ne suis pas prêt à prendre.»

L'avocat de Roger Walsh, Jacques Vinet, se doutait fort que Roger Walsh ne serait pas déclaré délinquant dangereux, mais la sévérité du jugement l'a étonné. «La Couronne avait demandé 20 ans, la défense avait parlé de 10 ans, et le juge a donné plus que tout ça.»

«Pour nous, ce cauchemar ne finira jamais, a pour sa part déclaré le frère de la victime, David Khudaverdian. Comme famille, ce que nous avons vécu il y a onze mois nous a changés pour toujours. Cela dit, je dois remercier les policiers et les procureurs qui n'ont rien négligé pour que le dossier présenté à la cour soit béton.»

L'avocat criminaliste Gilles Ouimet, qui n'était pas partie prenante au dossier, estime quant à lui qu'à première vue, cette décision s'inscrit dans une nouvelle mouvance chez les juges, qui sont moins réticents, depuis un an, à opter pour les peines maximales prévues par la loi.

À son avis, cela n'est pas étranger au jugement de la Cour suprême qui, en 2008, a donné raison au juge de première instance et a rétabli la peine de 15 ans infligée à un père qui avait agressé sa fille de quatre ans et diffusé les images de l'agression dans Internet. La Cour d'appel avait précédemment jugé que 9 ans suffisaient dans pareil cas.

La semaine dernière, Raymond Lévesque, qui avait déjà été condamné à sept reprises pour alcool au volant puis ultimement tué Karine Méthot, âgée de 23 ans, s'est vu imposer une peine de 10 ans.

L'avocat de M. Walsh étudie la possibilité d'en appeler de la décision.