Le Parti progressiste-conservateur (PC) de l'Alberta a causé une surprise majeure, lundi, en gardant le pouvoir devant les assauts du Wildrose.

Les résultats disponibles en fin de soirée plaçaient les conservateurs en avance dans plus d'une soixantaine des 87 circonscriptions de la province. Le Wildrose était en tête dans moins d'une vingtaine. Le Nouveau Parti démocratique et le Parti libéral, de leur côté, étaient en voie de l'emporter dans quatre et trois circonscriptions respectivement.

Le raz-de-marée de la droite albertaine, qui était susceptible de répandre une onde de choc dans tout le pays, n'aura donc pas eu lieu.

Plus encore: une heure après la fermeture des bureaux de vote, des réseaux de télévision avaient déjà annoncé un gouvernement majoritaire. Le PC détenait environ 44% des appuis populaires, contre 34% pour les troupes de la chef Danielle Smith.

Alison Redford est la première femme élue première ministre dans la province de l'Ouest.

Au club de golf où le Wildrose tenait sa soirée électorale, à une heure au sud de Calgary, l'atmosphère est rapidement passée de fébrile à celle d'un salon funéraire. Seule la musique rock et country venait parfois troubler le silence stupéfait des partisans.

Dans un bref discours deux heures après la fermeture des bureaux de scrutin, Danielle Smith a félicité son adversaire et promis de continuer la lutte en tant que nouvelle chef de l'Opposition. « Le changement va peut-être prendre un peu plus de temps », a-t-elle lancé en montant sur l'estrade.

«J'avoue que nous nous attendions à faire mieux. Est-ce que je suis surprise? Oui. Est-ce que je suis déçue? Oui. Est-ce que je suis découragée? Pas du tout!»

Le choix entre deux Alberta

Les Albertains étaient appelés par le Wildrose à voter pour un changement de gouvernement pour la première fois en 41 ans.

Un parti plus à droite que les conservateurs au pouvoir, le Wildrose est né de la même mouvance que le Reform Party des années 90.

Il avait mené dans les sondages par une dizaine de points durant la majorité de la campagne. Et son message avait semblé trouvé davantage écho parmi les électeurs que celui du Parti progressiste-conservateur.

Les troupes de Danielle Smith ont promis le retour à l'équilibre budgétaire et aux valeurs traditionnelles albertaines de responsabilité fiscale, de respect des droits et libertés individuelles telles que le droit à la propriété privée et de réduction de la taille du gouvernement.

Le Wildrose a cherché à tirer profit d'un mécontentement populaire au sujet d'enjeux tels l'accumulation de déficits budgétaires, des dépenses gouvernementales jugées faramineuses, des mesures fiscales impopulaires à l'égard de l'industrie pétrolière, des temps d'attente trop longs dans les hôpitaux, des expropriations controversées et des «scandales» impliquant la rémunération de députés.

Au changement de gouvernement, les troupes d'Alison Redford ont opposé la promesse d'un autre type de changement pour la province: un changement d'orientation, tant pour les Albertains que pour le Parti progressiste-conservateur, qui se traduirait par une plus grande ouverture sur le monde, notamment sur les questions environnementales, et le cap sur des soins de santé entièrement publics.

«Nous voulons avancer, pas reculer», a-t-elle lancé le dernier jour de la campagne.

«Il y a un moment dans l'histoire où les Albertains se sont regardés et se sont vus d'une manière différente que peut-être le reste du pays les avait vus pendant un certain temps.»

Au terme de sa victoire, la première ministre a affirmé que les Albertains avaient choisi de bâtir des ponts, et non des murs.

Déclarations controversées

Une série de déclarations perçues comme étant homophobes et racistes faites par des candidats du Wildrose avait redonné espoir au PC au cours des dernières semaines.

Dans les deux cas, Danielle Smith a résisté aux pressions de congédier ses candidats, et a plutôt réaffirmé l'importance de la liberté d'expression, de conscience et de religion. Mme Smith, qui se présente comme une libertarienne, a soutenu que les opinions personnelles d'aucun des deux hommes ne les empêcheraient de bien représenter leur circonscription.

Les luttes les plus serrées étaient attendues à Calgary, puisque le Wildrose croyait pouvoir compter sur une bonne base d'appuis en milieu rural.

Au moment de mettre sous presse, les conservateurs étaient en voie de gagner la vaste majorité des circonscriptions de la ville. Et ils avaient colorié la carte en bleu dans plusieurs régions rurales.

Le Wildrose a fait la majorité de ses gains dans le sud de la province et dans la couronne entourant Calgary. Alison Redford, qui se présentait à Calgary même, a gardé son siège, que certains croyaient en danger. Danielle Smith a elle aussi été élue dans la circonscription de Highwood.

Très proche des conservateurs de Stephen Harper, le Wildrose était susceptible de l'influencer pour adopter des mesures encore plus à droite, selon des observateurs. Danielle Smith promettait aussi de mener une bataille agressive contre les transferts tels que la péréquation. Elle a dénoncé à plusieurs reprises les programmes sociaux du Québec, qu'elle juge trop généreux.