La Ville de Montréal a accordé en juin deux contrats de communications et de publicité pour un total de 2,25 millions à deux firmes dont les présidents ont rendu dans un passé récent des services du même ordre au parti du maire Gérald Tremblay, Union Montréal (UM). À un an et demi des élections municipales, cette attribution de contrats fait bondir les partis d'opposition. Le processus d'appel d'offres a été fait dans les règles, assure la Ville.

Octane Stratégie a été choisie pour fournir sur demande pendant trois ans des services de communications à la Ville au coût de 750 000$. Cinq firmes ont soumissionné. Octane l'a emporté devant Optimum Relations publiques (Cossette Communications).

Parallèlement, Morrow Communications a été retenue pour procurer également durant trois ans des services de pub, de promotion et de marketing au coût maximum de 1,5 million. Son pointage était de 1497, devant Communications Bleu Blanc Rouge (1396) et Cossette Communications (1034). Elle n'est arrivée seule en tête pour aucun des critères de sélection mais a remporté la mise grâce à son prix, de 50% inférieur à celui de Cossette.

Les présidents des deux firmes, Jean Battah et André Morrow, sont proches d'Union Montréal. Militant libéral de longue date, M. Morrow est l'un des fondateurs du parti du maire, dont il a été le «faiseur d'images» dès 2001.

M. Morrow le conseille encore sporadiquement. On lui doit le slogan « Go Montréal » de la campagne 2005 d'Union Montréal. Il a conçu le nouveau site web d'Union Montréal en 2007, et il était au congrès quand le site a été dévoilé. Il a participé aussi à plusieurs réunions du parti ces dernières années – « trois ou quatre depuis deux ans », dit-il.

«Si on me demande mon avis, je le donne ; je ne le fais pas sur une base rémunérée mais par militantisme et intérêt pour la Ville», dit-il.

Quant à Jean Battah, le président d'Octane, il était l'organisateur de la campagne du maire en 2001. Il a fait parler de lui en janvier 2004 quand l'administration a accordé au consortium Acropole un contrat de 750 000$, dont la moitié à Communications Jean Battah. Sous le nouveau nom d'Octane Stratégie, il a reçu des contrats de la ville centre, de la Société d'habitation et de développement de Montréal et de huit arrondissements.

Jean Battah dit qu'il a déjà été « consulté » ces dernières années par des membres d'Union Montréal et qu'il a « croisé des gens du parti » pour parler communications « de façon amicale ». Il estime qu'on ne peut éternellement lui reprocher d'avoir été l'organisateur du maire en 2001.

Mais est-ce un hasard si tous les arrondissements où Octane a eu un contrat sont dirigés par un maire appartenant à Union Montréal? «Oui? Non? Peut-être? dit Jean Battah. Je ne me suis jamais fait la réflexion.»

S'il y a un problème dans le fait de conseiller le parti au pouvoir et d'être en même temps responsable d'une partie des communications de la Ville, Jean Battah est alors prêt à s'engager par écrit à ne plus assister à des réunions d'Union Montréal quand il a des contrats avec la municipalité.

«Je conçois que, au plan des perceptions, cela puisse créer un certain questionnement, dit-il. Si la Ville l'exige, je signerai ça en toute quiétude.»

Mais il n'y a aucune procédure de la sorte à Montréal, dit un porte-parole de la Ville. Et il n'y en aura pas: «Ce n'est pas parce que quelqu'un milite dans un parti qu'il ne peut pas soumissionner à un appel d'offres de la Ville», affirme Renée Sauriol, attachée de presse du maire Gérald Tremblay. Mme Sauriol ne trouverait pas anormal que les deux firmes puissent travailler en même temps pour le parti du maire et pour la Ville.

André Morrow accepterait pourtant, lui aussi, de signer un tel engagement. « Ma firme a une excellente réputation auprès de ses clients, dit-il. Je n'ai pas intérêt à me placer dans des situations qui seraient problématiques. »

«Plus ça change, plus c'est pareil»

«Cette administration est très prompte à publier des chartes, mais le problème est structurel, dit Richard Bergeron, chef de Projet Montréal. Gérald Tremblay et les gens qui l'entourent ne comprennent rien aux institutions publiques. Pour moi, c'est le système Tremblay, mais pour masquer ça, il y a le beau sourire de Gérald devant les caméras, et le peuple est conquis.»

«Plus ça change, plus c'est pareil, dit de son côté Anie Samson, mairesse de Villeray–Saint-Michel–Parc Extension et membre de Vision Montréal. On a vécu la même chose il y a quelques années. Pourtant, M. Tremblay avait dit à La Presse que cela ne se reproduirait pas. En plus, a-t-on besoin de ces firmes alors qu'on a un service de communications d'une centaine de personnes ? On dépense 2,25 millions et on saigne les arrondissements.»

Tant M. Battah que M. Morrow insistent sur le fait que les prix de leurs soumissions tenaient compte de la capacité de payer de la Ville de Montréal et que leurs firmes ne pouvaient exiger les même prix que ceux qui ont cours dans le secteur privé.

Enfin, Benoit Labonté, chef de Vision Montréal et de l'opposition officielle, qui était membre d'Union Montréal il y a un an, n'a pas souhaité réagir à ce dossier. Il ne s'est pas opposé à l'attribution de ces deux contrats au conseil municipal, en juin dernier.