Trois jours après l'émeute de Montréal-Nord, des voix s'élèvent de toutes parts pour critiquer l'inertie des autorités dans les 24 heures qui ont suivi la mort de Fredy Villanueva, 18 ans.

Ce n'est que lundi matin que le directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Yvan Delorme, a commenté le décès du jeune Villanueva et le soulèvement de population qui a suivi. Silence total aussi, dimanche, à l'hôtel de ville et au cabinet du ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis.

«Les politiciens ont réagi seulement après l'émeute, regrette le criminologue Benoît Dupont. C'est une erreur, parce que cela n'envoie aucun message et perpétue l'idée que (les jeunes de Montréal-Nord) sont abandonnés.»

Une intervention des politiciens dès dimanche aurait pu calmer les esprits et éviter une émeute, croit pour sa part André Normandeau, professeur de criminologie à l'Université de Montréal. «On ne peut en être tout à fait certain, mais il y aurait peut-être eu moins de dégâts et de blessés si le maire et le ministre avaient saisis l'importance de la situation à Montréal-Nord», dit-il.

À tout le moins, le ministre Dupuis aurait pu émettre un communiqué de presse en matinée ou demander à un représentant de son ministère d'agir en son nom à Montréal, regrette l'expert. «Il devait absolument donner signe de vie au nom du gouvernement.»

Les intervenants du milieu et les politiciens auraient dû se concerter et discuter de ce qui pouvait se passer après la mort d'un jeune aux mains de policiers, estime Martin Courcy, spécialiste en sécurité et en gestion de crise. Une conférence de presse conjointe du maire de Montréal Gérald Tremblay, du maire de l'arrondissement Marcel Parent, de la police et d'intervenants du secteur aurait permis d'atténuer la situation. «La population de Montréal-Nord aurait eu l'impression d'avoir été entendue et ça n'aurait peut-être pas mené au (grabuge de dimanche soir)», estime-t-il.

«Indirectement, le ministre de la Sécurité publique Jacques Dupuis a réagi dimanche», explique toutefois l'expert en sécurité publique Richard Poëti, puisque la politique ministérielle voulant que la Sûreté du Québec s'occupe de l'enquête émane de son ministère. «Mais ce n'est pas toujours clair pour les citoyens.»

Même une fois l'émeute commencée, la réponse des autorités était inadéquate, croit M. Normandeau. «Les policiers ont attendu une heure et demie avant d'agir. La réflexion a été beaucoup trop longue. Ils auraient dû être en mesure d'établir un plan d'action en 15 à 20 minutes, pas plus. Ils avaient mal planifié leur coup.»