Lorsque les citoyens de Bourassa ouvrent à la candidate du NPD, qui fait déjà du porte-à-porte dans leur circonscription, la réaction est presque toujours la même: ils écarquillent d'abord les yeux, puis, après un moment de silence, ils se lancent dans une série de questions. Ce n'est pas tous les jours qu'on a devant soi la première candidate voilée du Québec.

À ce jour, Samira Laouni a déjà visité plus de 200 de ses potentiels électeurs dans la circonscription actuellement détenue par le libéral Denis Coderre. Elle n'a pas attendu le déclenchement des élections, prévu pour demain.

Depuis qu'elle a reçu au début de l'année l'investiture du Nouveau Parti démocratique (NPD), la titulaire d'un doctorat en économie est candidate à temps plein. «Si les autres candidats doivent travailler 10 heures par jour, moi, je dois en travailler 20», lance-t-elle.

La candidate musulmane sait bien que le foulard coloré qui couvre ses cheveux ne passe pas inaperçu. «Les gens me disent parfois qu'ils ont d'autres allégeances politiques, mais je ne vis pas de rejet», s'empresse-t-elle d'ajouter. Au contraire, lors de sa tournée des foyers de la circonscription, qui couvre notamment Montréal-Nord, elle raconte avoir déjà eu droit à beaucoup de confidences. «Mes rencontres avec les dames du troisième âge sont particulièrement touchantes. Elles me parlent des règles que l'Église leur imposait. Qu'elles ne pouvaient enseigner après s'être mariées. C'est un contact intime. Privilégié.»

Samira Laouni profite de ces discussions en tête-à-tête pour expliquer qu'elle porte le foulard par choix depuis le début de sa vie adulte. Que ses convictions religieuses ne l'ont jamais empêchée de faire de grandes études à la Sorbonne avant de s'installer au Québec, il y a 10 ans. Que son mari et ses trois enfants sont fiers de la voir faire ses premiers pas en politique.

Depuis lundi, c'est le ventre vide qu'elle doit vaquer à ses activités électorales du matin au soir puisque le mois du ramadan, au cours duquel les musulmans jeûnent du lever au coucher du soleil, coïncide presque jour pour jour avec les dates pressenties de la campagne électorale fédérale.

Une abonnée de la commission Bouchard-Taylor

Si elle est néophyte en politique, Samira Laouni a déjà un peu de kilométrage à son actif dans la vie publique. Ceux qui ont suivi de près les mille et un rebondissements du débat sur les accommodements raisonnables connaissent déjà son visage. La Québécoise d'origine marocaine a notamment fait partie de la délégation de femmes musulmanes qui se sont rendues à Hérouxville en janvier 2007 pour discuter avec l'auteur des normes de vie destinées aux immigrés, André Drouin, sa femme et un groupe de citoyens. Elle a aussi fait plusieurs interventions devant la commission Bouchard-Taylor.

Mais elle soutient qu'elle était déjà active avant la tempête des accommodements. «Depuis mon arrivée au Québec, je militais dans des organisations communautaires. Mais Hérouxville a été la goutte qui a fait déborder le vase et qui m'a incitée à multiplier les gestes publics», explique-t-elle. Devenir la première candidate voilée au Québec est le dernier en date.