L'abbé Philippe de Maupeou n'est pas un pédophile même s'il a été condamné à la prison avec sursis plus tôt cette année pour avoir caressé la vulve et les seins d'une petite fille de 8 ans, mais il a commis une «erreur de comportement» lorsqu'il a fait ce geste, a déclaré hier le cardinal Jean-Claude Turcotte.

Lors d'un entretien radiophonique, le cardinal Turcotte a ajouté que l'évêché essaie d'être «charitable» avec les personnes qui ont purgé leur peine. L'abbé de Maupeou a terminé la sienne fin août. Depuis, il se trouve en probation. Le diocèse de Montréal a décidé de lui octroyer une bourse d'études de 60 000$ en droit canonique. Cette formation, qu'il vient de commencer à Ottawa, l'aidera à se rendre utile dans le règlement de litiges impliquant l'Église, a dit le cardinal.

«On l'a fait soigner, a-t-il dit à l'animateur Benoît Dutrizac sur les ondes de 98,5 FM. Il (l'abbé) a passé une période de plusieurs mois dans un institut spécialisé pour bien vérifier si c'est un pédophile ou si c'était une erreur de comportement. On sait que ce n'est pas un pédophile, la science actuelle nous le dit. Bon. Il a reçu sa sentence. Je peux même vous dire qu'il a fait sa sentence chez moi. Je l'ai pris à l'évêché, parce que nous, on essaie d'être charitables à l'endroit de ces gens-là.

«Là, il a fini (sa sentence de prison avec sursis). Pour être sûr qu'il ne fera jamais de pastorale, comme il n'a aucune formation, mais qu'il veut demeurer en service, puisqu'il faut qu'il vive aussi, ce gars-là je ne veux pas l'envoyer (se) tuer, moi-là alors, il veut être disponible pour des tâches administratives

«Alors, au fond, pourquoi on l'envoie étudier, c'est pour qu'il acquière une formation en administration. Et la meilleure formation qui peut nous être la plus utile, et à lui aussi, c'est une formation dans le droit, pour être capable de régler tous les problèmes de nomination, les chicanes de juridiction, ces choses-là, qui ne le mettront pas en contact avec la pastorale.»

Le cardinal Turcotte a refusé d'accorder une entrevue à ce sujet à La Presse, qui a révélé dans son numéro hier qu'il avait décidé d'octroyer une bourse de 20 000$ par année pendant trois ans à l'abbé de Maupeou pour étudier à la faculté de droit canonique de l'Université Saint-Paul, à Ottawa.

Le cardinal a commencé par dire à M. Dutrizac que les gestes commis par l'abbé de Maupeou lui répugnaient et qu'il avait décidé d'aider ses victimes. Il a conclu l'entretien en affirmant que c'est du «jaunisme» que de laisser croire que la bourse d'études est une récompense, comme le soutient une diocésaine «outrée». Un professeur de la Faculté de droit canonique de l'Université Saint-Paul estime lui aussi que cette bourse est une «forme de promotion».

L'Association des victimes de prêtres, un groupe qui a été formé cet été pendant le congrès eucharistique de Québec, a réagi avec vigueur à cette bourse et à ces propos. «Le cardinal banalise les gestes qui ont été commis», a dit la présidente du groupe, France Bédard, une femme qui a été violée par un prêtre quand elle avait 17 ans.

«Les victimes qui ont connu des agressions sexuelles sont marquées à vie», a ajouté Mme Bédard, qui poursuit l'Archevêché de Québec pour 325 000$ parce qu'il a refusé de l'aider dans ses démarches. Le prêtre qu'elle accuse de viol est mort cette année, quelques jours avant son procès en cour criminelle. Elle affirme que son association recueille de nombreux témoignages de victimes.

«Je n'ai pas de mots pour exprimer mon indignation et ma colère, ajoute Mme Bédard. La moindre des choses est de congédier les prêtres pédophiles, violeurs et briseurs de vie pour les empêcher de faire de nouvelles victimes. Mais encore une fois, l'Église ne pense pas aux victimes, elle se comporte comme une multinationale dépourvue de sentiments Pour elle, le bourreau devient la victime.»