Il a 26 ans, une lumière dans les yeux qui dit que la vie vaut d'être vécue dans le bonheur de l'engagement social. Et il consacre la meilleure part de son énergie à vouloir convaincre le plus grand nombre de personnes. Jean-Sébastien Dufresne a remporté les honneurs du 10e gala Forces Avenir, qui vise à reconnaître et à promouvoir l'engagement étudiant.

Il appartient à cette élite de jeunes qui croit que «beaucoup de petits gestes, par beaucoup de petites gens, dans beaucoup de petits lieux, peuvent bouleverser la face du monde». Doté d'une bourse de 15 000$, le prix est un encouragement et une reconnaissance de l'engagement d'un jeune leader.

 

Soulignons que Jean-Sébastien Dufresne a déjà reçu le prix Hommage Bénévolat Québec et le prix humanitaire Terry-Fox. Il est aussi représentant au Forum Jeunesse.

La Presse et Radio-Canada ajoutent à ces récompenses et nomment Jean-Sébastien Dufresne Personnalité de la semaine.

Sur tous les fronts

Étudiant libre à l'Université du Québec à Montréal, Jean-François a un agenda qui déborde en même temps qu'il le gère de manière fort habile. Comment en est-il arrivé là? C'est en 2002, à l'occasion d'un échange au Mali avec l'organisme Jeunesse Canada Monde, qu'il découvre, au-delà de son existence, des centaines d'autres personnes avides de partage, de solidarité, de justice. Autant que lui. C'est un choc dont il reviendra transformé. «Trois mois à vivre dans une autre communauté change notre regard. On apprend à connaître l'autre avant de juger.» Mais sa sensibilité le mène plus loin: «J'en connaissais assez peu sur les conditions de vie ailleurs. Je me suis senti responsable de ce qui se passe dans le monde et j'ai pris conscience que le moindre geste d'entraide a un impact.»

Sa nouvelle vision d'une société pacifique, équitable, doit nécessairement, à son avis, passer par des liens concrets entre humains de tous horizons qui, en dépit de leurs différences, peuvent partager les mêmes idées, se comprendre, voire travailler ensemble. Un an après son retour d'Afrique, il a mis sur pied le Réseau citoyen de solidarité Iciéla, qui réunit des groupes de citoyens (et pas seulement des jeunes) d'ici et d'autres pays, notamment le Mali, le Guatemala, l'Uruguay, l'Argentine, le Congo, le Burkina Faso, le Maroc, la France, la Belgique et la Slovénie. C'est un pont que Jean-Sébastien établit par jumelages, ateliers, cafés rencontres, mais surtout vidéoconférences. Ces échanges sensibilisent, éclairent. Et c'est de cela dont il est le plus fier.

L'impact des autres

C'est un peu comme la flamme olympique. L'étudiant cherche à allumer la flamme chez les autres. Et les autres sont, à ses yeux, extraordinaires. Jean-Sébastien est doté de nombreuses qualités, notamment du sens de la pédagogie; la passion qui l'anime transparaît dans chacun de ses gestes et elle est communicative. Aussi, il est patient, n'hésite pas à enfoncer le clou.

«Moi, ce qui me gratifie le plus, c'est d'ouvrir une brèche dans un esprit. Aller chercher le plein potentiel d'engagement de quelqu'un qui ne soupçonnait même pas son existence.» Pour cela, il lui faut beaucoup d'énergie et de patience, mais il en a et ne se décourage pas. «Je puise mon énergie chez les gens que je rencontre, les passionnés, les engagés, particulièrement les jeunes d'ici, dont on connaît peu la valeur et l'engagement.»

Il est né à Sept-Îles, «au beau milieu d'une bande de Montagnais», ajoute-t-il en riant. Il s'est vite rendu compte du clivage entre les communautés. «On se lançait des roches et on ne savait pas pourquoi...» Il a su qu'il fallait comprendre l'autre d'abord. Son père médecin, sa mère, son chien Flanelle, voilà ce qui constituait la cellule familiale, qui finit un jour par éclater. Cependant, sa vie suit son cours et prend la couleur de ses valeurs de pacifisme, de fraternité, d'accueil. À la fin de l'adolescence, c'est Claude Choquette, son grand-père, qui le met sur la voie de Jeunesse Canada Monde, et c'est par cet outil qu'il formule son idéalisme. «Je me sens privilégié, dit-il, d'avoir été mis sur ce chemin-là.»

Il est attentif aux cris du coeur lancés par ces personnes qu'il ne connaissait pas avant. Des cris du coeur qui ne sont pas entendus, précise-t-il. À qui on peut donner, de qui on peut apprendre. Comment développer une économie durable dans les plus petits villages, être là quand se prennent les décisions, garder la direction des projets. Et surtout comment rester solidaires, en dépit des divergences.

«Il suffirait, pour mettre fin à notre indifférence sur ce qui se passe ailleurs, de connaître une seule personne et de la savoir victime de violence ou d'injustice, et déjà notre regard changerait. Il n'y aurait alors plus de génocides. On ne tolérerait pas cette injustice et ce drame.» Il ajoute: «On ne peut pas fermer les yeux, on ne peut pas rester inactif.»

Quant à lui, s'il veut mener sa tâche sur tous les fronts, notamment réunir 78 pays par l'internet, représenter le Canada à l'UNESCO, etc., il sait qu'il doit mettre en sourdine certains aspects de sa vie d'homme, mais il poursuit tout de même ses études en travail social. «Pour l'instant, je construis», dit-il, enthousiaste.

Oui, mais a-t-il une vie? «C'est quoi, avoir une vie? réplique-t-il. On a la vie qu'on veut avoir. C'est mon cas et j'en suis heureux.»