L'entente France-Québec sur la mobilité de la main-d'oeuvre, signée en grande pompe hier, aura un effet étonnant: il sera plus facile pour un diplômé français d'exercer sa profession au Québec que pour un diplômé provenant de l'Alberta ou d'une autre province.

Lors d'une cérémonie au Salon rouge de l'Assemblée nationale, le premier ministre Jean Charest a qualifié cet accord d'«historique», un terme qu'a aussi utilisé le président Nicolas Sarkozy dans son discours au Salon bleu. Il élimine plusieurs obstacles à la reconnaissance des compétences professionnelles.

En conférence de presse, la ministre des Relations internationales, Monique Gagnon-Tremblay, a reconnu que l'entente Charest-Sarkozy aura un impact plutôt inusité. Un Français pourra obtenir un permis pour exercer sa profession au Québec encore plus facilement qu'un Canadien d'une autre province.

«C'est inadmissible qu'un Québécois ne puisse pas aller travailler partout au Canada et vice-versa, alors qu'on signe une entente avec la France», a-t-elle affirmé. C'est pourquoi le gouvernement entreprend des pourparlers avec les autres provinces en vue de conclure une entente semblable. Il en existe une, toutefois, entre le Québec et l'Ontario dans le secteur de la construction, a indiqué Mme Gagnon-Tremblay.

Selon elle, l'entente permettra au Québec de remédier en partie à sa pénurie de main-d'oeuvre. Quelque 700 000 postes sont à pourvoir d'ici à 2011. La ministre ignore toutefois combien de postes pourraient être pourvus grâce à cette entente. Le Québec pourrait aussi perdre des travailleurs qualifiés, mais il ne sortira pas perdant, a-t-elle assuré.

L'entente pourrait-elle entraîner un exode de travailleurs, comme des médecins, qui pourraient trouver de meilleures conditions de travail en France? «Ils peuvent peut-être gagner plus cher ailleurs. Mais nos grands espaces et la qualité de vie, je pense que c'est à prendre en considération», a répondu la ministre.

Une centaine de professions

Selon l'entente signée hier, dont La Presse a révélé le contenu dès la semaine dernière, les compétences professionnelles seront reconnues dans des délais plus courts pour un peu plus d'une centaine de professions et de métiers réglementés, de la construction surtout.

À l'heure actuelle, bien des travailleurs, même s'ils ont obtenu un visa et ou un permis de travail, se voient refuser le droit d'exercer leur profession. Pour obtenir ce droit, les ordres professionnels leur imposent une démarche souvent longue et coûteuse.

Avec l'entente Charest-Sarkozy, un travailleur québécois ou français qui veut exercer sa profession outre-atlantique n'aura plus à retourner sur les bancs d'école. Une formation d'appoint -par exemple sur les règles déontologiques applicables dans le pays où il veut travailler- pourrait toutefois être exigée. Et avant d'obtenir un permis d'exercer, le demandeur devra suivre un stage rémunéré d'un ou plusieurs mois, selon la profession. Il pourrait ensuite être soumis à une évaluation. Les délais requis pour l'obtention d'un diplôme seront «réduits de 50% à 80%», estime Monique Gagnon-Tremblay.

L'entente sera mise en application rapidement. Une vingtaine d'ordres professionnels et de représentants de métiers réglementés québécois ont signé hier avec leurs homologues français une déclaration d'engagement dans laquelle ils promettent de conclure un «arrangement de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles» au plus tard le 31 décembre 2009.

D'ici décembre 2009

Liste des métiers et professions qui se sont engagés à conclure un arrangement au plus tard le 31 décembre 2009

Architectes

Arpenteurs-géomètres

Avocats

Comptables agréés

Comptables généraux licenciés

Dentistes

Ingénieurs

Médecins

Vétérinaires

Pharmaciens

Sages-femmes

Travailleurs sociaux

Peintres

Briqueteurs-maçons

Charpentiers-menuisiers

Serruriers de bâtiment

Carreleurs

Opérateurs d'équipements lourds

Mécaniciens de machines fixes

Mécaniciens de remontées mécaniques

Opérateurs de pelles mécaniques

Couvreurs

Poseurs de revêtements souples