Il est resté silencieux, n'a manifesté aucune émotion. Pourtant, les accusations pesant sur Francis Proulx sont lourdes. Ce résidant de Rivière-Ouelle a été accusé hier du meurtre prémédité de Nancy Michaud, mère de deux jeunes enfants. On ne connaît pas encore les preuves obtenues contre lui. Mais dès sa première nuit en prison, des détenus l'auraient tabassé.

Vêtu d'une chemise de chasse à carreaux bleue, Francis Proulx a brièvement comparu, hier, au palais de justice de Rivière-du-Loup. Aucune nouvelle accusation n'a été déposée contre l'homme de 29 ans, accusé du meurtre de Nancy Michaud, une mère de famille âgée de 37 ans de Rivière-Ouelle.

Au cours des derniers jours, la Sûreté du Québec avait pourtant parlé de possibles accusations supplémentaires de vol, de séquestration et d'enlèvement.

Hier, il n'en fut rien, mais la procureure de la Couronne au dossier, Annie Landreville, a souligné que l'enquête policière se poursuit. «Nous avons déposé le chef d'accusation le plus important, meurtre prémédité. D'autres accusations pourraient être déposées», a-t-elle précisé, en compagnie de Me James Rondeau qui l'épaulera dans cette cause.

Les résultats de l'autopsie pourraient notamment étoffer le dossier des enquêteurs.

En cour, Proulx n'a démontré aucune émotion, alors qu'il se tenait debout, menotté et silencieux, sans ses lunettes rondes, entre deux constables spéciaux.

Son avocat, Jean Desjardins, a tenté sans succès de convaincre la Cour de suspendre ou de reporter l'enquête préliminaire de Proulx dans une autre affaire d'introduction par effraction et de vol. La Couronne s'est opposée à la demande de la défense.

«On désire que cette dame soit entendue», a expliqué Me Landreville, notant que la victime alléguée du vol de 100 000$ a 87 ans. Celle-ci est une tante de Proulx. L'accusé sera donc de retour en cour deux fois vendredi, pour son enquête préliminaire dans cette affaire qui remonte à l'automne 2007, et pour fixer une date pour l'enquête préliminaire dans la cause de meurtre.

Dans la salle d'audience, on ne voyait personne de l'entourage de la victime ni de l'accusé. Nancy Michaud, attachée politique du ministre des Ressources naturelles et de la Faune Claude Béchard, a été enlevée chez elle à Rivière-Ouelle, dans la région de Kamouraska, dans la nuit de jeudi à vendredi. Son corps a été retrouvé dimanche, dans le sous-sol d'une maison abandonnée appartenant à la famille de l'accusé.

Hors de la salle d'audience, l'avocat de Francis Proulx, Me Jean Desjardins, a brièvement expliqué aux journalistes que son client était secoué, vu l'accusation très sérieuse portée contre lui. L'avocat a refusé de dire s'il allait réclamer une évaluation psychiatrique.

La grand-mère ébranlée

Pendant que Francis Proulx comparaissait, le calme régnait dans le village de Rivière-Ouelle. La veille encore, les journalistes et les policiers fourmillaient devant les lieux du crime.

La grand-mère de l'accusé, Lorraine Hudon, est restée terrée dans sa résidence. Rencontrée par La Presse dans l'embrasure de sa porte, elle a dit ne pas être au courant que son petit-fils comparaissait à Rivière-du-Loup.

«De toute façon, je ne serais pas capable d'y aller, a confié la dame, visiblement exténuée mais tout de même polie. Juste le voir à la télévision, c'est difficile.»

«Mais encore aujourd'hui, je ne peux pas m'imaginer qu'il ait fait ça. Je ne peux pas m'imaginer Mais des fois, les gens peuvent changer vite.»

La famille de Nancy Michaud a pour sa part diffusé un court communiqué pour remercier la population du village, les pompiers et les policiers, et pour redire qu'elle ne souhaitait pas accorder d'entrevue.

Le mystère reste donc entier quant aux circonstances de l'enlèvement et du meurtre de Nancy Michaud. Hier, des rumeurs non confirmées colportaient toutes sortes d'hypothèses: la victime aurait été tuée d'une balle à la tête dans sa résidence; son corps aurait été enterré dans un endroit inconnu, avant d'être déposé dans le sous-sol de la résidence abandonnée.

Comment démêler le vrai du faux? Impossible de le savoir. La SQ refuse de préciser comment elle en est venue à accuser Francis Proulx. «Une fois que c'est rendu dans les mains de la justice, on ne commente plus», indique le porte-parole de la Sûreté du Québec, Marc Butz.

La famille de Francis Proulx a confirmé que l'accusé consultait un psychiatre une fois par mois. Ses proches savaient aussi qu'il était sous médication. Depuis un an et demi, selon sa grand-mère. Mais pour le reste, Francis Proulx parlait peu.

Pendant ce temps, le hangar où l'accusé allait passer de longues heures chaque nuit est resté vide. Les petits objets qu'il réparait étaient soigneusement rangés sur les tablettes.

Au deuxième étage, une berceuse trônait au milieu d'une pièce presque vide. La vieille radio rafistolée était restée allumée. Une chanson de Michel Rivard, Rive-Sud, jouait tout bas. «Tous mes rêves sur la Rive-Sud, les plus fous les plus absurdes.»

Le suspect tabassé en prison?

Francis Proulx a été tabassé par des détenus à la prison d'Orsainville, dimanche soir, selon ce qu'a appris La Presse. Après son arrestation dimanche après-midi, le suspect avait été transféré à Orsainville, à Québec, en vue de sa comparution par vidéoconférence de lundi. Francis Proulx, qui a été incarcéré dans la même cellule que d'autres détenus, a été pris à parti. Les gardiens de sécurité sont intervenus et l'ont transféré dans une cellule isolée dans une autre aile de la prison. Il semblerait que Proulx restera dans cette même cellule jusqu'à sa prochaine comparution prévue vendredi à Rivière-du-Loup. En cour hier après-midi, on ne remarquait pas qu'il avait été tabassé.