Quand elle voit les bambins du CPE Abinodjic-Miguam chanter «Frère Jacques» en algonquin, Édith Cloutier se dit : «Ça, c'est le Val-d'Or de demain.»

Qu'il soit Blanc ou Autochtone, chacun de ces enfants pourrait un jour devenir pompier, policier ou maire de cette ville de l'Abitibi, pense Édith Cloutier. Cette garderie où les deux cultures apprennent à se connaître dès la plus tendre enfance, c'est un peu, beaucoup son bébé.

Attenante au Centre d'amitié autochtone qu'elle dirige depuis 20 ans à Val-d'Or, la garderie enseigne aux tout petits à apprécier la différence.

À l'autre bout de la chaîne de l'éducation, il y a ce pavillon des Premiers peuples que l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) doit inaugurer cet été.

Ça aussi, c'est un peu le bébé d'Édith Cloutier, qui préside depuis trois ans le conseil d'administration de l'UQAT. Ce pavillon accueillera des étudiants de toutes origines : Cris, Inuits... et Blancs. Un jour, rêve Édith Cloutier, on y logera une véritable université des Premières Nations. Ouverte à tous, il va de soi.

Née d'une mère algonquine et d'un père «Québécois blanc», Édith Cloutier a bien connu les clivages qu'elle s'acharne à anéantir depuis deux décennies. Jeune, elle voulait camoufler son identité amérindienne, pour ne pas se faire traiter de «kaouiche» - surnom réservé aux enfants algonquins en Abitibi.

Proche de ses grands-parents algonquins, elle a pourtant fini par devenir plus Autochtone que Métisse. Mais dans une version urbaine et moderne, en vraie fille de Val-d'Or.

Toute sa vie, Édith Cloutier a jonglé avec ses diverses appartenances. Et à 43 ans, elle refuse toujours de choisir. «Je veux pouvoir m'affirmer comme Algonquine, sans renier mon héritage blanc.» Elle refuse aussi que son identité autochtone l'enferme dans un folklore désuet.

Édith Cloutier a eu son premier job d'été au Centre local d'amitié autochtone. Après des études en sciences comptables, à une époque où les étudiants autochtones se comptaient sur les doigts d'une seule main, elle a fini par prendre la direction du Centre qui n'était alors qu'un petit café.

«Depuis, nous sommes devenus le principal interlocuteur sur les enjeux urbains des Autochtones», dit-elle avec fierté.

Marche annuelle contre le racisme, Journée des Autochtones, aide aux sans abri, lutte contre la pauvreté : Édith Cloutier est de tous les combats. C'est une pragmatique qui aime tisser liens et convaincre pour changer les choses.

Elle puise dans son double bagage l'énergie dont elle a besoin pour améliorer la situation des Autochtones. Sa devise : «Si on ne s'engage pas et qu'on laisse les autres décider pour nous, après on ne pourra que se plaindre de ne pas avoir été consultés.»

Et cette position de victime passive, ce n'est vraiment pas sa tasse de thé.