Les jardins de la gare de Cuernavaca portent mal leur nom. Tout ce qui semble pousser aux alentours de l'ancienne gare désaffectée est la misère.

Il faut regarder au-dessus des maisonnettes improvisées pour voir le seul immeuble digne de ce nom: un centre de réadaptation destiné aux consommateurs de drogues illicites. Sur sa devanture, un nom qui est aussi une promesse: la Nueva Vida (la nouvelle vie).

 

Tout nouveau, tout beau, ce centre est un des pans les plus visibles d'une initiative politique du gouvernement de Felipe Calderon, mise de l'avant l'été dernier sans trop faire de bruit: la décriminalisation de la drogue.

Depuis le mois d'août, un Mexicain arrêté avec moins de 5 g de marijuana, 50 mg d'héroïne ou 0,5 g de cocaïne n'est plus traîné devant la justice. Il reçoit plutôt un rendez-vous dans un des 320 centres Nueva Vida. Les employés de ces centres - psychologues et travailleurs sociaux - peuvent ensuite les diriger vers des cliniques médicales spécialisées.

«On ne traite plus les drogués comme des criminels, mais comme des malades. C'est un immense progrès», claironne Jaime Davila, qui supervise la mise en place des nouveaux programmes dans l'État mexicain de Morelos. En faisant la promotion de sa nouvelle approche, le gouvernement mexicain a affirmé que la dépénalisation de la possession simple permettrait aux policiers de laisser aller les petits poissons pour se concentrer sur la pêche aux gros.

De la loi à la réalité

Il suffit de quitter le bureau du secrétaire technique et de descendre au rez-de-chaussée du centre Nueva Vida, où sont accueillis les patients, pour constater qu'il y a un monde entre les belles intentions du gouvernement mexicain et la réalité sur le terrain.

Visité deux mois après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, le centre de Cuernavaca n'avait reçu que deux jeunes contrevenants, envoyés par les policiers.

«Tout le monde dans le coin sait qui vend de la drogue et qui la consomme, mais personne ne veut parler. Les policiers, eux, ont peur d'entrer dans les quartiers chauds», explique Ruth Vazquez Garduño, travailleuse sociale au centre.

Convaincue du bien-fondé de la mission de Nueva Vida, Mme Vazquez Garduño aimerait bien faire de la sensibilisation sur le terrain, mais avec une équipe de 4 personnes pour un bassin de population de plus de 500 000 personnes, la travailleuse sociale a l'impression de combattre un tsunami avec une rame. «Ça fait rigoler les cartels qui continuent de trouver de nouveaux clients sur notre territoire. Nous ne sommes même pas une chatouille pour eux», se désole-t-elle.

Pourtant, des centres de réadaptation comme celui de Cuernavaca ont été la cible d'atrocités au cours des derniers mois. En septembre, des hommes armés sont entrés dans une clinique de Ciudad Juárez, ont demandé aux patients de se retourner contre un mur et en ont fusillé 17. Leur motif? Ils accusaient la clinique d'abriter des vendeurs de drogue d'un cartel rival. Deux semaines plus tard, une autre clinique a connu le même sort: 10 morts.

Cuernavaca, où règne un seul cartel, Los Pelones (Les rasés) est rarement témoin de ce genre de violence. Mais les employés du centre Nueva Vida savent pertinemment que leur travail s'arrête là où celui des cartels commencent.

«Si un jeune est en contact avec des narcotrafiquants, se rendre dans un centre de réadaptation signifie pour lui la mort», note à cet égard Jose Damian, un psychologue du centre. Il a lui-même traité un jeune qui voulait une nouvelle vie. «Dans ce cas-là, il a été chanceux. Un autre jeune a été tué à sa place. Le narcotrafic, on ne s'en sort pas vivant», dit-il. Et ce, peu importe la loi.