Le premier ministre Stephen Harper est à Shanghai aujourd'hui. Il visitera le pavillon canadien que l'on construit sur le site de l'Exposition universelle 2010. Audacieux et imposant, ce pavillon accueillera des millions de visiteurs à compter du mois de mai. La Presse s'est aussi rendue sur le chantier pour voir l'évolution de l'impressionnante structure créée par le Cirque du Soleil, et construite par la firme SNC-Lavalin.

Zhang Jiang Tao travaille au chic restaurant Kathleen's, situé en haut du Shanghai Art Museum. De la terrasse sur le toit, on constate à quel point la ville de Shanghai est devenue un chantier de construction en vue de l'Expo 2010, qui doit débuter dans six mois. Les grues se comptent par dizaines. «On a construit l'équivalent de Manhattan en un an», indique Zhang.

Shanghai est une ville commerçante et cosmopolite plus «libre que Pékin», explique le jeune homme de 25 ans. C'est la ville des «espoirs» et de toutes les «possibilités», comme l'était New York à l'époque.

Le père de Zhang, par exemple, a fait fortune en important des magazines étrangers. Son fils trouve toutefois que Shanghai se métamorphose trop rapidement en vue de l'Exposition universelle. Zhang déplore le fait que plusieurs résidants soient expatriés en banlieue. «Nous avons besoin d'équilibre», dit-il.

Zhang a étudié en communication à Pékin et poursuivra sous peu ses études à Hong-Kong. Il espère aussi travailler comme traducteur à l'Expo 2010. C'est un événement unique pour les Chinois, souligne le jeune homme. «C'est une façon de voyager partout dans le monde sans visa.»

Zhang - qui connaît le Québec - nous pose des questions sur le pavillon canadien, avant de nous lancer. «Tu connais le slogan de l'expo: Better city, better life?»

De grandes attentes

«Meilleure ville, meilleure vie.» À moins d'être aveugle, impossible de ne pas voir le slogan à Shanghai tellement les publicités de l'Expo 2010 tapissent la ville. «Touchez le futur», peut-on également lire un peu partout.

Si on prévoit que l'Expo 2010 sera la plus grande exposition universelle de l'histoire, le Canada espère que son pavillon - conçu par le Cirque du Soleil et construit sous la supervision de la firme SNC-Lavalin - sera le premier choix des visiteurs.

«Pour les Chinois, sky is the limit», lance le chargé de projet du pavillon canadien, Carl Grimard. On fait les choses en grand. On construit des lignes de métro, des autoroutes. Le site va être 100% accessible.»

L'ingénieur a fait visiter à La Presse et des représentants du ministère du Patrimoine canadien le site de l'Expo, il y a un peu plus d'un mois. Situé dans un ancien quartier industriel, au bord du fleuve Huangpu, le chantier de cinq kilomètres carrés est impressionnant. Il y a une large passerelle piétonnière surélevée qui fait presque trois kilomètres. Le pavillon chinois - une imposante pyramide rouge inversée - est pratiquement achevé.

Le pavillon canadien est l'un des plus avancés. «Nous sommes à côté de la place des Amériques et des pavillons américain et mexicain, indique M. Grimard. Nous avons une belle vue sur le pont et l'eau.»

L'ingénieur, qui n'avait jamais mis les pieds en Asie, habite Shanghai depuis janvier. Ses yeux brillent quand il parle du pavillon. «Ce sont les Jeux olympiques de la construction ici. Jamais dans ma vie, je ne vais travailler comme ça avec les meilleures entreprises de construction au monde.»

Le chargé de projet supervise 160 employés chinois. «Ils sont fiers de travailler dans une grande entreprise internationale», souligne-t-il.

La veille de notre visite, une petite fête a été organisée pour souligner 150000 heures de travail sans accident sur le pavillon canadien. «On applique nos règles de santé et de sécurité, précise Charles Chebl, vice-président principal de SNC-Lavalin Construction. Il y a eu un accident mortel sur un site voisin.»

Une première pour le Cirque du Soleil

Conçu par Johnny Boivin, du Cirque du Soleil, le pavillon canadien est en forme de «C», avec trois bras qui embrassent une place publique. Le toit blanc réfléchit la lumière et le fini extérieur en bois est fait de cèdre rouge canadien.

Pour le Cirque et le gouvernement, c'est une première collaboration. «Il fallait réussir à faire valoir notre vision artistique sur un projet énorme qui a des balises précises», explique la porte-parole du Cirque, Renée-Claude Ménard.

Johnny Boivin devait s'inspirer du thème de l'expo, «Meilleure ville, meilleur vie», mais aussi de celui du Canada: «La vie en ville: inclusive, durable et créatrice.»

Le concept de la place publique lui est venu instinctivement. «Je pensais au Festival de jazz l'été. C'est comme si la ville désobéissait à ses règles. Il y a un métissage des populations, il y a de la musique un peu partout.»

Johnny Boivin ne s'en cache pas. «On travaillait pour le gouvernement, qui a des messages à passer. Je voulais réussir à aller chercher des choses qui sont vraies au sein de la population.»

Le directeur de création n'a rien laissé au hasard. Il devait par exemple inclure 164 «idées» du gouvernement dont «La ville est inclusive» ou encore «Les Canadiens sont ouverts au multiculturalisme». Pour la première partie du pavillon, intitulée «Mémoires fondatrices», Johnny Boivin a donc pensé à un tunnel de lumière qui projette les «idées» en question sur les gens. «Ça va être assez sensoriel», dit-il.

La deuxième partie du pavillon est «plus imaginative que politique». «C'est un lieu où j'essaie de montrer le rôle primordial que joue l'imagination, qu'il s'agisse d'un spectacle ou même d'un pays.»

Il y a trois installations: Aqua Magika, un bassin d'eau dont la surface, tactile, sert d'écran à des images inspirées de dessins d'enfants. «On voit la ville idéale que serait celle des enfants», explique Johnny Boivin. Le bassin est surplombé d'une sculpture de 700 tuyaux, qui présentera une chorégraphie visuelle de grands tableaux évoquant le rapport de l'imagination à la ville.

«Il y a ensuite Coeur urbain, un autre élément sculptural composé de 31 écrans sur lesquels sera présenté le panorama urbain canadien, explique Johnny Boivin. Le résultat est surprenant car les écrans sont eux-mêmes en volume.»

Ensuite, les gens passeront par une installation qui s'appelle Vélocité. Ils seront invités à enfourcher un vélo pour «pédaler dans l'imaginaire et l'inventivité» des meilleures pratiques urbaines canadiennes. Puis, avant de terminer la visite dans la place publique, le public verra un montage impressionniste réalisé par l'ONF. «On évoque notre relation à la ville», dit Johnny Boivin.

Le créateur devait tenir compte des prérogatives thématiques du gouvernement, mais aussi du flot prévu de 31000 visiteurs par jour et de 800 personnes à toutes les 20 minutes. Il devait calculer les distances marchées, les temps de chaque arrêt, etc. «C'est tout un défi créatif de faire comprendre un pays en 12 minutes», dit celui qui a travaillé en collaboration avec la firme d'architectes Saia Barbarese Topouzanov et la boîte de production Félix et Paul.

«Je suis habitué de partir sur une page blanche, souligne Johnny Boivin. Faire du gros Canada avec des feuilles d'érable, cela ne m'intéressait pas. Je voulais faire quelque chose d'artistique qui touche les gens», explique-t-il.

Malgré tout ce beau projet, le pavillon canadien n'est pas permanent, du moins pour l'instant... «Dans notre mandat, il y a le démantèlement aussi... Je n'en reviens pas chaque fois que je vois ça. (...) On ne pense pas à ça», dit Carl Grimard, de SNC-Lavalin, qui prévoit que les travaux du bâtiment seront terminés d'ici la fin de l'année.

Quant à Johnny Boivin, son travail est terminé et il pense avoir rempli sa mission. «Je voulais que le pavillon d'un pays qui se dit créatif soit vécu créativement. Je veux donner aux gens le goût du Canada», conclut-il.