Quand vient le temps de choisir les ouvrages à faire lire à leurs élèves, plusieurs enseignants hésitent. Pour conserver l'intérêt des jeunes, certains favorisent les livres populaires. Mais d'autres préconisent la lecture de classiques.

«Certains font lire Harry Potter à l'école parce que c'est populaire. Moi, je dis non! Il faut amener les jeunes à lire autre chose. C'est possible de soulever la motivation des enfants même en leur faisant lire des ouvrages difficiles», plaide Max Roy, spécialiste de didactique de la littérature et président de la Fédération des professeurs d'université.

Martin Bibeau enseigne le français depuis 12 ans à l'école secondaire Joseph-François-Perreault. Il ne fait lire aucun roman jeunesse à ses élèves. Néanmoins, il assure qu'ils aiment lire. «La vie devant soi et Un ange cornu avec des ailes de tôle remportent un vif succès. Annabelle, de Marie Laberge, est aussi très populaire», dit-il.

Chaque enseignant a sa propre façon d'aborder la littérature. M. Bibeau, lui, lit carrément à voix haute avec sa classe. «Je me suis rendu compte que les jeunes qui n'aiment pas lire ne savent pas lire! Ils ne mettent pas d'intonation. Ils n'ont pas de rythme. Je leur apprends.»

Selon M. Bibeau, plusieurs enfants ne se sont jamais fait lire d'histoire. «Je rattrape le temps perdu. Les élèves adorent ça!»

Benoît Paquin, qui enseigne le français en quatrième secondaire à l'école Jacques-Rousseau depuis sept ans, trouve difficile de faire lire les jeunes: «C'est encore plus dur de trouver un livre qui plaît à 140 personnes, dit-il. On veut que les jeunes en viennent à aimer lire. On ne touche pas beaucoup aux grands classiques pour ne pas perdre nos petits lecteurs.»

Enseignant en deuxième secondaire à l'école Monseigneur-Richard, à Verdun, Maxime Trudeau estime que, dans les milieux défavorisés, il serait irréaliste d'imposer des oeuvres trop complexes. «Ici, on choisit des ouvrages qui peuvent intéresser les élèves. Ce qui les accroche, c'est la littérature jeunesse, dit M. Trudeau. On ne veut pas les lasser, donc on ne les submerge pas de lectures ardues.»

M. Trudeau reconnaît que, cette année, il sera incapable de faire lire cinq livres à ses élèves. «Mais je me rachète en leur faisant lire beaucoup d'extraits.»

Professeure au département de didactique des langues de l'UQAM, Marie-Christine Beaudry ne croit pas qu'il faille se baser uniquement sur l'intérêt des jeunes. «Si j'avais fait ça, je n'aurais jamais fait lire L'étranger de Camus. Et pourtant, ce livre remportait un vif succès auprès de mes étudiantes.»

Suzanne Richard, présidente de l'Association québécoise des professeurs de français (AQPF), soutient que l'école est là pour présenter des livres. «Tant mieux si les jeunes ne les connaissent pas! Sinon, on passe à côté d'une belle occasion de former nos jeunes», dit-elle.

Olivier Dezutter est d'accord: «On doit trouver un équilibre entre ce que les jeunes veulent lire spontanément et le rôle de l'école, qui est de les ouvrir à autre chose. L'école doit être consciente de ce vers quoi elle veut les amener. Si l'école ne le fait pas, personne ne le fera.»