Est-il facile de sortir l'arme d'un policier de son étui pour la lui voler? Cette question «d'importance capitale», selon un des avocats, a plané sur une grande partie des audiences d'hier à l'enquête publique du coroner sur la mort de Fredy Villanueva.

Me Jacky-Éric Salvant, l'avocat de deux des jeunes qui se trouvaient au parc Henri-Bourassa le 9 août 2008, a tenté de démontrer que ce n'est pas à la portée de «M. et Mme Tout-le-Monde» d'arracher de son étui l'arme d'un policier. Il faut actionner un dispositif de sécurité relativement complexe pour libérer l'arme.

 

Or, quand l'agent Jean-Loup Lapointe a été pris dans une mêlée, il a notamment justifié sa décision de tirer quatre fois par la crainte de se faire voler son arme. En contre-interrogatoire, Me Salvant a tenté de connaître un peu mieux le mécanisme qui protège l'arme. «Tout le motif de son intervention, c'est qu'il pouvait être désarmé, a expliqué l'avocat aux médias. Notre prétention, c'est que l'étui est sécuritaire parce qu'il y a une façon bien précise d'enlever le cran de sécurité.»

L'agent Lapointe a reconnu l'existence de ce mécanisme mais en a souligné les limites. «Il n'est pas infaillible. L'arme ne doit pas sortir facilement, mais il y a des failles. Intentionnellement ou accidentellement, c'est très possible que cette arme soit retirée de son étui. On peut très facilement appuyer sur le bouton et déverrouiller l'étui.»

Les demandes techniques plus précises de Me Salvant, qui a tenté de savoir en détail comment le dispositif pouvait être désactivé, se sont butées aux objections de l'avocat de la Ville, Pierre-Yves Boisvert. Il y a vu un risque pour la sécurité publique si la population devait connaître cette information et a demandé un huis clos sur la question. Le coroner a décidé d'attendre la reprise des travaux, le mois prochain, pour rendre sa décision sur cette objection.

Bâton et retrait stratégique

L'autre partie du contre-interrogatoire de Me Salvant a par ailleurs tourné autour des règles de l'utilisation de la force par un policier, clairement définies dans un tableau soumis en preuve. Il a notamment voulu savoir pourquoi l'agent Lapointe n'avait pas utilisé son bâton télescopique pour maîtriser Dany Villanueva.

«Je ne crois pas que ce soit approprié de sortir le bâton pour «saisir» quelqu'un, a rétorqué le policier. On le sort pour l'utiliser, pour faire une frappe de diversion, pas pour impressionner quelqu'un.»

Ce fameux tableau, intitulé Problématique de l'emploi de la force, prévoit également la possibilité d'amorcer un retrait stratégique. L'agent Lapointe y a-t-il songé? «Je n'ai pas été capable de me retirer, au contraire. J'ai mon véhicule à ma gauche, des gens derrière moi, Dany Villanueva a un bras libre et il peut me frapper ou sortir une arme.»

Le policier a estimé que la meilleure technique, après avoir plaqué Dany Villanueva sur le capot et constaté sa grande agressivité, consistait à «l'amener au sol». Or, dans cette position, le policier se retrouve lui aussi au sol et devient nettement plus vulnérable, surtout s'il fait face à un groupe menaçant, a fait valoir l'avocat.

«Logiquement, ces gens-là ne m'auraient jamais attaqué, a répondu l'agent Lapointe. Je ne croyais pas ma position vulnérable. Je comptais sur la bonne foi et une réaction normale des individus.»

Le contre-interrogatoire du policier se poursuivra le 9 mars prochain.