L'Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) se range derrière les 18 directions de la santé de la province qui réclament «un moratoire» sur le projet de Loto-Québec d'exploiter un site de jeux d'argent sur l'internet. Pour en venir à cette conclusion, le centre de référence provincial de santé publique s'est penché sur les jeux en ligne dans plusieurs pays, dont la Suède, où une étude a démontré que la majorité des joueurs n'avaient jamais joué en ligne avant de s'y initier sur le site d'État.

Les conclusions de l'INSPQ ont été acheminées au bureau du ministre des Finances, Raymond Bachand, qui a annoncé, en février dernier, son intention de modifier la loi sur les jeux afin de permettre à Loto-Québec de mettre en ligne un site de jeux d'argent d'ici l'automne. Avant d'y aller de ses recommandations, l'Institut fait remarquer qu'entre 2006 et 2008, le pourcentage des élèves québécois s'adonnant aux jeux d'argent en ligne a doublé, pour atteindre 5%.

«Principalement, on en vient à la conclusion que les jeux en ligne ont la capacité d'attirer des joueurs qui n'auraient pas joué autrement, a expliqué la Dre Élisabeth Papineau, chercheuse à l'Institut, au cours d'un entretien avec La Presse. Et on estime qu'en donnant le droit à Loto-Québec d'exploiter les jeux en ligne, on normalise la pratique, ce qui peut attirer une autre clientèle, comme les personnes âgées, parfois à mobilité réduite, qui n'auront pas besoin de sortir de chez elles pour jouer.»

L'INSPQ ne donne par ailleurs pas de poids à l'argument du gouvernement selon lequel un site exploité par Loto-Québec permettrait de diminuer «l'offre de jeu illégal». Après analyse, l'équipe de chercheurs a constaté que les sites de jeux présentement accessibles sur le Net sont bien souvent exploités par des «compagnies inscrites en Bourse, souvent fournisseurs de machines à poker».

Fort de ses recherches, l'Institut estime qu'il faudrait d'autres recherches et attendre au moins un an, sinon plus, pour soupeser tous les effets des jeux d'argent en ligne sur la population québécoise. Er surtout, mettre des mécanismes de contrôle dépassant la sensibilisation, comme la création d'un Conseil québécois (indépendant) du jeu responsable.

À ce sujet, on fait remarquer que Loto-Québec est plus présente que la société Hydro-Québec ou la Société des alcools du Québec, à bien des égards, pour appuyer des événements culturels ou autres. «Comment garder sa crédibilité en demandant aux joueurs de se modérer alors que tant d'efforts sont consentis à les faire jouer plus ? Les discours s'opposent», constate la Dre Papineau.

Du côté de la Direction de la santé publique (DSP) de Montréal, où on a collaboré à l'analyse de l'Institut en rendant des données disponibles, on explique que les 18 dirigeants des agences de la santé sont en train de voir comment ils peuvent donner suite à leur demande de moratoire. À la suite de leur sortie publique, Loto-Québec avait réagi en déplorant le ton «alarmiste» de la DSP qui n'avait pas tenu compte d'une autre étude sur les habitudes des joueurs en ligne. Le gouvernement n'a pas réagi publiquement.