La poursuite de la société Infrabec, de l'homme d'affaires Lino Zambito, contre le citoyen de Boisbriand Martin Drapeau était abusive, a tranché hier la Cour supérieure.

C'est la première fois qu'on applique la nouvelle loi sur les poursuites-bâillons pour faire avorter un procès en diffamation.

«La juge a dit qu'il y a manifestement eu de l'intimidation, a dit M. Drapeau, joint au téléphone par La Presse. C'est une victoire pour la population. Ça démontre que la loi anti-bâillon fonctionne et que les gens qui se sont battus pour cette loi ne se sont pas battus en vain.»

La loi a été adoptée en juin 2009 «pour prévenir l'usage abusif de la justice et favoriser la participation des citoyens aux débats publics», selon les termes du communiqué du ministre de la Justice.

Le jugement de la juge Danielle Turcotte, rendu oralement, pourrait influencer les débats publics au Québec, particulièrement dans le monde municipal.

«La juge a dit que les questions que M. Drapeau a posées au conseil municipal, c'était normal et qu'il avait le droit de les poser, a affirmé Me Jean-Pierre Casavant, l'avocat de M. Drapeau. Elle a dit que l'objectif visé par la poursuite d'Infrabec était de mettre un terme aux démarches de M. Drapeau.»

La juge ordonne à Infrabec de verser 15 000$ à M. Drapeau, ce qui paiera une partie de ses frais juridiques, qui totalisent 20 000$.

Il n'a pas été possible de parler à M. Zambito hier.

Infrabec réclamait 150 000$ à M. Drapeau pour ses propos tenus à une séance du conseil municipal de Boisbriand.

Le 5 mai 2009, M. Drapeau a posé une question sur l'attribution en septembre 2007 du contrat de réfection de l'usine de traitement des eaux usées. Il a demandé une vérification par une «firme comptable indépendante (du) processus d'attribution du contrat».

Le contrat est allé au seul soumissionnaire, Infrabec, qui avait demandé un prix de 29 millions. D'autres entreprises avaient retiré le cahier de charges, sans présenter de soumission, a-t-on appris par la suite.

Infrabec affirme que M. Drapeau avait «fait des insinuations insidieuses... dans le but unique de (lui) nuire» et que ces propos «ont eu pour effet de semer le doute sur l'honnêteté et la probité» de l'entreprise.

Le contexte a bien changé depuis le dépôt de la poursuite. Le scandale a frappé la mairesse d'alors, Sylvie St-Jean, à la suite de la tentative de M. Zambito de convaincre son opposante Marlene Cordato de renoncer à la mairie. Mme Cordato a battu Mme St-Jean aux élections l'an dernier.

La Sûreté du Québec enquête sur le contrat de l'usine d'épuration. Elle a perquisitionné chez la firme d'ingénieurs Roche cette semaine. Roche avait analysé la proposition d'Infrabec pour le compte de la Ville.