Ce qui inquiète le plus dans la région de Lotbinière, c'est l'utilisation de l'eau par l'industrie gazière.

En effet, pour stimuler la production de gaz, on injecte à très haute pression dans chaque puits des millions de litres d'eau avec du sable et des produits chimiques. Cela fait fendiller le roc et le gaz se met ensuite à s'échapper.

Cette opération de «fracturation», d'une durée de quelques semaines, peut être répétée à quelques années d'intervalle pour maintenir la production.

Mais il manque d'eau dans Lotbinière. «Paradoxalement, même si on est au bord du fleuve, plusieurs municipalités sont en recherche d'eau», dit Jean-Pierre Ducruc

M. Ducruc est vice-président de l'Organisme de bassin versant (OBV) de la rivière du Chêne, le cours d'eau principal de la région. Il est aussi conseiller municipal de Sainte-Croix.

«À Saint-Apollinaire et Saint-Antoine-de-Tilly, le développement est limité par manque d'eau. Laurier-Station est à la recherche d'eau. Et les eaux de surface ne conviennent pas à cause de leur piètre qualité.»

M. Ducruc s'étonne aussi du peu d'information disponible sur les projets gaziers. «Je me considère comme une personne assez avertie et je n'ai jamais su qu'il y avait des forages dans la région, avant un certain soir de novembre, dit-il. En sortant du conseil municipal, j'ai vu une grande lumière dans le ciel. Le lendemain soir, même chose. C'était la torchère qui brûlait à 10 km. C'est la première nouvelle que j'en ai eue. Et c'est là que j'ai su que l'eau du forage était prélevée dans la rivière du Chêne. Alors que je suis vice-président de l'OBV!»

Selon Talisman, les prélèvements visaient moins de 20% du débit minimal de la rivière, et donc ne nécessitaient pas d'autorisation gouvernementale.

L'OBV a tout de même demandé l'avis du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) sur l'impact des forages, une demande restée sans réponse. «Notre ministère de l'Environnement n'est pas positionné et notre ministre des Ressources naturelles répète les slogans de l'industrie», dit M. Ducruc.

Louanges

Autre son de cloche dans la municipalité voisine, Leclercville, où un autre puits de Talisman approche de la phase d'exploitation et serait aussi desservi par le futur gazoduc. Le maire Marcel Richard n'a que des louanges pour l'industrie gazière.

«J'avais travaillé dans les forages dans les années 70, dit-il. Ce qui a le plus changé, c'est la préoccupation pour l'environnement. À l'époque, il fallait voir tout ce qu'on laissait dans le bois. On faisait les vidanges d'huile directement dans le sol. Ce que je sais de Talisman, c'est qu'ils ont une grande préoccupation pour l'environnement.»

«Je ne suis pas contre le gaz, c'est une richesse à développer, dit-il. Tant mieux si on peut prendre le gaz ici au lieu d'aller le chercher dans l'Ouest. Il y a des inquiétudes, c'est sûr. Personne n'est à l'abri des accidents. L'autre jour, un camion s'est renversé. Il transportait de l'eau. Ça aurait pu être des produits chimiques. Mais si on a peur, rien ne bouge.»

Mais pour M. Ducruc, la région ne veut pas revivre avec le gaz le traumatisme du débat sur les méga-porcheries. «Avant que le BAPE (Bureau d'audiences publiques sur l'environnement) ne se penche sur l'industrie porcine, il a fallu que des communautés comme Sainte-Croix soient sur le bord de la rupture. J'espère qu'on ne se rendra pas jusque-là.»