Dans une affaire digne d'un roman salace, une juge manitobaine et son mari sont accusés d'avoir harcelé un client pour obtenir des faveurs sexuelles. Le mari, l'avocat Jack King, aurait divulgué une trentaine de photos compromettantes de sa femme et aurait insisté pour que son client ait des relations sexuelles avec elle.

Quelques heures après cette divulgation, la juge Lori Douglas, chef adjointe aux affaires familiales à la Cour du Banc de la reine du Manitoba, a provisoirement renoncé à ses fonctions. Elle remplira des tâches administratives.

Les débuts de cette histoire invraisemblable remontent à 2002, quand Alex Chapman, informaticien de 44 ans, a retenu les services de l'avocat Jack King, pour conclure son divorce. À cette époque, Lori Douglas et Jack King travaillaient ensemble au cabinet Thompson Dorfman Sweatman de Winnipeg. Me Douglas est devenue juge en chef adjointe au tribunal de la famille du Manitoba en 2005.

M. Chapman, un Noir originaire de Trinidad, soutient que Me King l'a invité de façon répétitive à visiter un site pornographique appelé Darkcavern.com, consacré aux relations sexuelles entre femmes blanches et hommes noirs. Me King lui aurait remis un mot de passe pour accéder aux photos de sa femme, que l'on pouvait voir nue ou vêtue d'un attirail d'esclavage sexuel. Certaines photos la montrent ligotée, en train d'utiliser des jouets sexuels ou encore de pratiquer une fellation. Il y avait en tout une trentaine de photos.

«Pendant un mois, il m'a harcelé pour que je visite le site web et pour que j'aie des relations sexuelles avec sa femme», a indiqué M. Chapman. Me King lui aurait envoyé des photos de sa femme nue dans des positions de domination. «J'ai eu envie de vomir en voyant ces images. C'était dégoûtant.»

Plainte

Après son divorce, en 2003, M. Chapman a porté plainte auprès du cabinet d'avocats de Me King. Il a finalement accepté de signer une entente de confidentialité et devait détruire les courriels et les photos en échange de la somme de 25 000$.

Peu après, Me King a quitté le cabinet pour un congé de maladie d'un an. L'avocat de Me King, Bill Gange, a admis hier que son client avait eu des discussions «déplacées» avec M. Chapman, mais qu'il n'y avait jamais eu de contact sexuel. De plus, a-t-il tenu à préciser, la juge n'était pas au courant des agissements de son mari. Son client, a-t-il ajouté, souffrait de dépression au moment des faits.

Mais M. Chapman ne voit l'affaire pas du même oeil. Voici que, sept ans plus tard, il intente trois poursuites totalisant 67 millions: 50 millions contre la firme d'avocats où travaillait le couple, 10 millions contre Jack King et 7 millions contre la juge. «Je veux maintenant tourner la page», a affirmé Alex Chapman hier à la CBC.

Bill Gange prétend que M. Chapman, en accordant des entrevues, ne respecte pas l'entente qu'il a signée en 2003, dans laquelle il s'était engagé à ne pas intenter de poursuites judiciaires ainsi qu'à renvoyer la documentation et les photos fournies par Me King. «Ces photos relevaient du domaine privé entre Jack et Lori, a-t-il dit au National Post. À mon avis, ce qu'ils font ne regarde qu'eux.»

Selon un spécialiste du droit, la juge Douglas aurait dû révéler ce passé au comité qui l'a nommée à la Cour du Banc de la reine du Manitoba. Sébastien Grammond, professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, a déclaré sur les ondes de Radio-Canada que de tels faits peuvent nuire à l'intégrité du système de justice et au respect qu'il doit inspirer à la population.

Avec The Toronto Star, National Post, The Globe and Mail, CBC et Radio-Canada.