Stupéfait de la tournure qu'a prise le dossier de Sécur-Action, le président de l'Association des policiers provinciaux du Québec presse le Bureau de la sécurité privée de «refaire ses devoirs» et de resserrer les règles d'attribution des permis d'agence de sécurité.

À peine entrée en vigueur, la nouvelle loi sur la sécurité privée montrerait déjà ses limites, estime Jean-Guy Dagenais, puisqu'il «y en a qui se sont faufilés dans les mailles du filet».

«Ou les règles n'ont pas été assez resserrées, ou bien certaines informations n'ont pas été validées», dit-il.

Cela le frustre d'autant plus que, en 2004, dans la foulée d'une commission parlementaire sur la sécurité privée, le gouvernement avait promis de «mieux encadrer la profession et d'être plus sélectif».

Depuis quelques mois, Sécur-Action, acquise en 2009 par Éric Beaupré, a raflé plusieurs contrats de gardiennage d'immeubles liés à la justice ou à la police, tels les quartiers généraux de la police de Montréal et de la Sûreté du Québec, le centre judiciaire Gouin, le palais de justice de Montréal et l'édifice qui abrite l'escouade Marteau.

Mais en une semaine, la firme, qui nage en pleine controverse, a perdu successivement tous ces contrats, d'une valeur totale estimée à 2,5 millions.

L'incertitude plane sur le contrat d'Outremont, où Sécur-Action est chargée depuis le début du mois de patrouiller les rues. À la lumière des nouveaux renseignements sur le passé des administrateurs, le directeur de l'arrondissement, Pierre Beaudet, a demandé hier matin un avis juridique à son contentieux.

Mardi, Serge Roberge, le secrétaire général du Bureau de la sécurité privée, a spontanément reconnu que c'est La Presse qui l'a informé du fait qu'Éric Beaupré avait déjà plaidé coupable à des accusations criminelles.

«Vous me l'apprenez, on pourra faire les vérifications», a-t-il dit. Il a expliqué que les demandes de permis sont transmises à la SQ, qui se charge des «vérifications des conditions, entre autres de bonnes moeurs et des antécédents. C'est sur la foi de ces renseignements que nous rendons nos décisions», a-t-il expliqué.

Une enquête interne

Le SPVM a été le premier à réagir à la suite d'une enquête interne et d'une autre menée par la Ville de Montréal. Il a prié Sécur-Action de quitter son QG, rue Saint-Urbain, à compter d'aujourd'hui. Le chef du SPVM s'est borné à dire que c'est «la firme qui pose problème», pas ses agents.

Éric Beaupré, 37 ans, est à la tête d'un groupe de trois agences qui comptent en tout environ 1500 employés non syndiqués. Toutes ses entreprises ont vu leurs permis renouvelés par Québec le 22 septembre.

Ce jeune entrepreneur a aussi tissé des liens d'affaires avec des entreprises de construction, en particulier celles de Tony Accurso, dont il surveillait deux importants chantiers. Il assurerait aussi la sécurité du centre commercial Galeries Laval, qui fait partie de l'empire Accurso. Il est un ami de longue date du fils de Tony Accurso, Jimmy.

Le Bureau de la sécurité privée ignorait tout des antécédents et des fréquentations d'Éric Poirier, directeur des opérations. Celui-ci a été reconnu coupable en 2008 de voies de fait. Il aurait aussi côtoyé des motards criminels dans les années 90, dans le cadre de son travail de garde du corps ainsi que lors de séances d'entraînement dans un gym a-t-il dit.

Jamais le nom d'Éric Poirier n'est apparu sur le radar du BSP puisqu'il ne figure ni sur la liste des administrateurs ni sur celle des actionnaires. Pourtant, il a un rôle très actif dans la firme, comme plusieurs sources l'ont confirmé à La Presse.

Le patron de Sécur-Action assure qu'il ignorait aussi tout du passé de son adjoint. Hier soir, il a annoncé par voie de communiqué le congédiement de M. Poirier, tout en affirmant avoir mandaté ses avocats «à instituer des procédures judiciaires contre le SPVM, la SQ et le Ministère de la Sécurité publique».

Enquête supplémentaire

Pour sa part, Jacques Ouimet, porte-parole du Bureau de la sécurité privée, a indiqué que son organisme était en train de procéder à une nouvelle étude du dossier de Sécur-Action: «Votre travail nous amène à mener une enquête supplémentaire.»

De son côté, la Sûreté du Québec a annoncé que les agents de Sécur-Action devraient plier bagage plus tôt que prévu. Depuis hier, ce sont des policiers de la SQ qui assurent la sécurité de ses locaux, à titre temporaire.

La veille, le directeur général Richard Deschesnes avait pourtant indiqué que Sécur-Action resterait en poste jusqu'au 26 novembre, échéance du contrat.

Jean-Guy Dagenais, qui représente les 5000 agents de la SQ, réitère son souhait de voir des policiers aux entrées du quartier général de la SQ, centre «névralgique». Il félicite toutefois la direction du corps policier d'avoir «agi avec diligence».