L'ancienne maison mère des soeurs de la Providence, au 1431, rue Fullum, à Montréal, est à vendre. La communauté religieuse espère qu'un organisme communautaire s'en portera acquéreur.

«On aime nos maisons, mais il faut être logique, dans la vie. Si elles ne peuvent plus servir, elles deviennent un bien dont il faut se défaire, pour que quelqu'un lui donne une deuxième ou une troisième vie», explique Claire Houde, supérieure des soeurs de la Providence.

La communauté a, selon soeur Houde, fait son deuil de cet immeuble de six étages construit il y a plus d'un siècle. «Une maison de cette envergure, vous pouvez comprendre qu'il faut qu'elle rende service à la société. Nous ne sommes pas des agents immobiliers. On ne garde pas des maisons pour spéculer et les revendre. Ce n'est pas notre mission. Notre mission, c'est de nous occuper des pauvres et des démunis.»

Dans le passé, on avait envisagé la démolition de l'austère couvent, situé au coeur d'un complexe culturel qui comprend aussi l'église Saint-Vincent-de-Paul, selon Dinu Bumbaru, d'Héritage Montréal. Cette fois, les soeurs de la Providence espèrent pouvoir vendre leur maison mère à un organisme communautaire plutôt qu'à un promoteur privé. «On aime que nos maisons servent pour une mission humanitaire, sociale ou communautaire», dit Claire Houde.

Voilà un noble but, selon Dinu Bumbaru. Mais l'exemple récent de l'ancien couvent Mont-Jésus-Marie, que l'Université de Montréal a revendu à un promoteur immobilier qui veut le convertir en copropriété de luxe, démontre toutefois que ce genre de revente ne prémunit pas contre les changements de vocation.

«C'est cohérent avec la vocation de ces communautés, mais on a vu avec le 1420, boulevard Mont-Royal que les institutions compatibles se retournent et revendent au marché privé. Même si la maison mère n'est pas dans un secteur propice aux condos de luxe, il faut être vigilant et mettre plus de garde-fous que ce qu'on a vu sur la montagne.»

Depuis plusieurs mois, la conversion des immeubles du patrimoine religieux fait de nouveau les manchettes à Montréal. En plus du couvent Mont-Jésus-Marie, la mise en vente de l'orgue de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus et l'aménagement d'appartements de luxe dans l'ancien Institut des sourds et muets du 7400, boulevard Saint-Laurent ont suscité quelques controverses.

«Il est minuit et quart, s'alarme Daniel Turp, ancien député péquiste et professeur de droit à l'Université de Montréal. Le cardinal Turcotte avait dit en 2005 que, dans cinq ans, ce serait la catastrophe... Nous sommes en 2010, on y est.»

M. Turp, qui a signé le Manifeste pour la sauvegarde du patrimoine religieux, lancé en juin dernier, se désole du manque de mobilisation politique autour de ces changements de vocation. «Je déplore le manque de volonté de nos administrations et le fait qu'il n'y ait pas de politique d'ensemble sur le patrimoine religieux, dit-il. À quel moment vont-ils se rendre compte qu'il y a un problème global et qu'il faut des solutions globales?»