Vous n'avez pas rêvé. L'oeuf de Pâques Cadbury est plus petit qu'avant, mais son prix n'a pas baissé. Alors que les cours des matières premières atteignent des records - ceux du cacao ont monté de plus de 25% en deux mois, selon l'AFP - les fabricants sont nombreux à réduire les formats en douce.

«On vit un nouveau phénomène: comme les fabricants subissent beaucoup de pression avec la hausse du coût des intrants, ils s'adaptent en offrant une moins grande quantité, a dit à La Presse Sylvain Charlebois, spécialiste en politique et distribution alimentaire à l'Université de Guelph. C'est une stratégie un peu trompeuse pour le consommateur.»

«Il y a eu une légère réduction, de 39 à 34g, du poids de l'oeuf fondant Cadbury en 2009», a confirmé hier Lynne Galia, porte-parole de Kraft Canada, propriétaire de Cadbury. Cette «légère réduction» équivaut à une baisse de 12,8%, qui n'est pas passée inaperçue. Une page Facebook «Les oeufs Cadbury ont drôlement rapetissé» a été créée et comptait hier 82 adeptes!

Cette réduction des quantités (downsizing en anglais) touche plusieurs produits: margarine, yogourt, céréales, barres tendres comptent moins de grammes ou de millilitres pour un prix inchangé à l'épicerie. Exemple: le format des jus Oasis réfrigérés est passé de 1,89 L à 1,75 L «avec les hausses des prix des concentrés en 2008», a indiqué Stefano Bertolli, vice-président aux communications des Industries Lassonde.

«Les gens veulent de la qualité à prix raisonnable, il faut donc trouver d'autres solutions que les hausses de prix», a-t-il fait valoir. Une stratégie que M. Bertolli appelle plutôt... rightsizing.

Emballages plus minces, mais plus hauts

«On déplore ça totalement, a commenté François Décary-Gilardeau, analyste agroalimentaire à Option consommateurs. C'est une pratique qui n'est pas illégale, mais c'est choquant.»

Option consommateurs tente de répertorier les cas de réduction de quantités depuis deux ans. «Ce n'est pas facile, parce que les fabricants sont très habiles pour changer le format de façon inaperçue, a souligné l'analyste. Les emballages sont parfois plus étroits, mais plus hauts.»

«Toutes les entreprises le font, même s'il est extrêmement difficile de savoir quoi que ce soit, a observé M. Charlebois. C'est l'éléphant dans la pièce dont on ne veut pas parler.» Marie-Claude Bacon, directrice des affaires générales de Metro, n'a pas voulu confirmer la tendance. «Les personnes les mieux placées pour répondre sont les fabricants de marques nationales», a-t-elle indiqué.

Hausse de 10% des ventesdes magasins spécialisés

Seule solution: comparer le prix des produits pour 100g, une information affichée dans les supermarchés. M. Charlebois souhaite que l'industrie alimentaire aille plus loin. «Le ratio quantité/prix devrait être clairement indiqué sur les emballages et en magasin», a-t-il suggéré.

Toutefois, les gens ne sont pas prêts à payer davantage, selon une étude récente de l'Université de Guelph. «Par contre, ils sont prêts à passer plus de temps à faire leurs achats alimentaires en allant à plusieurs endroits», a dit M. Charlebois. La preuve: les ventes des magasins d'alimentation spécialisés (fruiterie, poissonnerie, etc.) ont crû de 10% depuis 12 mois, selon Statistique Canada. Au contraire, celles des dépanneurs ont baissé de 4%.

«Les consommateurs sont prêts à sacrifier l'aspect pratique s'ils peuvent améliorer leur nutrition ou vivre une aventure gastronomique, a souligné le professeur. Cessons donc de vendre des calories, des prix, et tentons de vendre une valeur nutritive aux consommateurs. Éduquons-les.»