Les regards outrés et les amendes salées ne semblent rien y faire: les Montréalais ont de la difficulté à ranger le cellulaire quand ils sont au volant. Selon des statistiques obtenues par La Presse, les policiers ont distribué pratiquement autant de contraventions à ce chapitre en 2010 qu'en 2009, soit autour de 20 000.

Trois ans après l'implantation de l'interdiction, les automobilistes ont manifestement de la difficulté à se débarrasser de cette habitude. «On partage cette conclusion : ce n'est pas un phénomène en baisse, dit Pierre Rousseau, commandant à la division de la sécurité routière du Service de police de la Ville de Montréal. Vingt mille contraventions, c'est gros. On préférerait que les statistiques diminuent, que le message passe, mais ce n'est pas assez souvent le cas.»

Les automobilistes de la métropole semblent bien plus récalcitrants que ceux du reste du Québec. Selon la Société d'assurance automobile du Québec, le nombre de contraventions pour cellulaire au volant, pour lesquelles les automobilistes québécois se sont reconnus coupables, a diminué du tiers de 2009 à 2010, passant de 44 841 à 30 967. La société d'État invite cependant les gens à la prudence en ce qui concerne l'interprétation de ces statistiques: «On ne peut pas considérer que nos statistiques de 2010 sont complètes, puisque certaines contraventions sont contestées, dit Gino Desrosiers, relationniste. Il est donc difficile pour nous de conclure qu'il y a ralentissement.»

Appels en tout temps

De toute évidence, la question ne se pose pas à Montréal. En 2010, le nombre de contraventions pour avoir «fait usage d'un appareil muni d'une fonction téléphonique» tout en conduisant, comme la loi l'interdit depuis juillet 2008, a été de 19 889. En 2009, il avait été de 20 672, soit une baisse «marginale» de 3% en un an, résume le commandant Rousseau. L'infraction coûte la rondelette somme de 115$ aux fautifs, assortie de trois points d'inaptitude. Elle frappe autant les automobilistes qui parlent au téléphone que ceux qui consultent leurs courriels, envoient un texto ou naviguent sur l'internet. Elle a rapporté 5,4 millions dans les coffres de la Ville depuis son application. Le montant total des contraventions décernées par les agents montréalais a été de 168 millions de dollars en 2010, soit 17 millions de plus qu'en 2009.

Rien n'indique par ailleurs que le Service de police de la Ville de Montréal ait modifié son attitude par rapport à cette infraction. «On maintient notre mot d'ordre d'intervention, assure M. Rousseau. On avait le phénomène cellulaire, on a maintenant le phénomène texto. Les gens ne veulent plus attendre d'être arrivés à la maison, on est dans une ère de communication en temps réel.»

La SAAQ a justifié l'interdiction du cellulaire au volant en 2008 par les dangers de l'inattention. Presque un accident mortel sur dix serait causé par un manque d'attention, selon l'organisme, qui estime qu'un automobiliste qui utilise un téléphone cellulaire aurait 38% de plus de risques d'accident. Au début du mois, le SPVM a justement évoqué l'hypothèse de l'inattention, qu'on associe à 31% des accidents, pour expliquer que le bilan routier de la métropole se soit légèrement détérioré en 2010. On a notamment enregistré une hausse de 50% des blessures graves chez les piétons, dont le nombre s'est élevé à 125 l'an dernier. La popularité des téléphones intelligents -chez les piétons et chez les automobilistes, responsables en parts égales des accidents- a été avancée comme explication.

- Avec William Leclerc