Les fautes de nature sexuelle et les problèmes d'alcool ou de drogue sont les principales causes de suspension chez les 22 000 membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Agressions sexuelles, attouchements sur des mineurs, consultation de pornographie juvénile au travail, relations sexuelles dans la voiture de patrouille: 89 des 396 agents suspendus depuis 2000, soit près du quart d'entre eux, doivent leur suspension à des comportements sexuels déplacés.

Un policier de la GRC a ainsi été suspendu avec salaire en 2000 lorsqu'il a été soupçonné de «contact inapproprié avec un enfant». Il a accepté de partir à la retraite quatre ans plus tard, ce qui a mis fin aux mesures disciplinaires à son endroit. Les documents obtenus par La Presse ne précisent pas si l'agent a été l'objet d'accusations criminelles.

Un autre membre de la GRC se servait de son ordinateur de travail pour solliciter des relations sexuelles. Ses démarches semblent avoir été fructueuses puisqu'il a aussi été accusé d'avoir eu des relations sexuelles durant ses quarts de travail. Il a été suspendu trois ans avec salaire avant d'être congédié.

Un autre policier qui jouait les séducteurs au travail a lui aussi été suspendu. En 2002, il aurait proposé à une personne d'abandonner des constats d'infraction moyennant un rendez-vous galant. L'offre semble avoir été déclinée puisqu'une plainte a été portée. L'agent a été suspendu, avec salaire, pendant un an.

Dans un autre dossier, un policier aurait requis en 2004 les services de prostituées dans son véhicule de service pendant son quart de travail. Les documents précisent même qu'il était en uniforme au moment de l'acte. Suspendu avec salaire, il a réintégré le corps policier trois ans plus tard.

Drogue et alcool

Les problèmes de consommation d'alcool et de drogue ont également mené à la suspension de 69 agents de la GRC depuis 10 ans, soit dans 17% des cas.

Par exemple, un agent a été arrêté en 2001 pour conduite avec facultés affaiblies. Il aurait fait valoir son état de policier pour se soustraire à l'alcootest, et il avait une bouteille d'alcool ouverte dans sa voiture. Suspendu avec salaire, il a réintégré le corps policier quelques mois plus tard. D'autres policiers intoxiqués qui ont eu l'idée de présenter leur insigne pour s'éviter des ennuis ont aussi été suspendus.

Des policiers qui ont participé à des perquisitions ont à leur tour été épinglés quand leurs collègues ont découvert qu'il manquait une partie des stupéfiants saisis. Un agent est ainsi suspendu sans salaire depuis 2010 pour avoir présumément volé puis vendu de la marijuana entreposée au poste de police.

Des plaintes pour voies de fait et pour menaces ont également mené à la suspension de 69 membres de la GRC. En 2005, un policier a été accusé d'avoir détenu illégalement une personne, de l'avoir battue puis abandonnée sur une route isolée. Suspendu d'abord avec salaire, il a perdu sa solde en 2006 pour finalement démissionner quatre ans plus tard.

Ces cas violents surviennent parfois même entre policiers. La Presse a recensé au moins quatre incidents où des agents auraient menacé leurs collègues avec leur arme de service. Deux ont perdu leur travail tandis que les deux autres ont été réintégrés. L'histoire ne dit pas s'ils ont changé d'unité.

Le cas de l'un de ces policiers réintégrés est particulièrement troublant. Non seulement a-t-il pointé son arme sur deux de ses collègues en 2009, mais son dossier de suspension précise qu'il était aussi soupçonné d'achat, de vente et de consommation de cocaïne, de liens avec des criminels notoires et de conduite avec les facultés affaiblies. Suspendu avec salaire, il a réintégré le corps policier quelques mois plus tard.

Des fraudes ont également mené à la suspension de 31 agents depuis 2000. Un policier a été suspendu en 2003 pour avoir tenté de frauder son assureur, la Great-West, de 100 000$. L'homme a finalement décidé de prendre sa retraite quelques mois plus tard, ce qui a mis fin aux mesures disciplinaires. Un autre, en 2004, aurait détourné des fonds destinés à une cause humanitaire.

Certains agents ont également été suspendus pour leur mauvaise utilisation des fonds publics. En 2002, un agent se disait en congé pour de longues périodes alors qu'il était appelé à travailler, réclamant du coup des heures supplémentaires. Suspendu en 2002 avec salaire, il a accepté de partir à la retraite trois ans plus tard. Un autre a été pris à revendre un billet d'avion payé par la GRC.

Les cas de négligence sont aussi à l'origine de plusieurs suspensions. En 2002, un agent a omis de se présenter à un procès, ce qui a mené à l'abandon de «sérieux chefs d'accusation» dans un procès, son témoignage étant un élément clé de la preuve de la Couronne, précise son dossier. Pour sa négligence, l'agent a été suspendu avec salaire et a retrouvé son poste l'année suivante.

La palme de la négligence revient toutefois à quatre agents suspendus avec salaire en 2010 pour ne pas avoir porté assistance à un prisonnier malmené par un codétenu. Selon le dossier, les gardes auraient regardé leurs prisonniers avoir une relation sexuelle sans intervenir.

- Avec la collaboration de William Leclerc