En situation de crise, à qui les parents dépassés peuvent-ils confier leurs enfants? La question a fait surface dans les derniers mois, notamment avec l'affaire Guy Turcotte. Pour répondre au désespoir des parents et protéger les enfants, une étudiante au doctorat en santé communautaire a imaginé la Maison Kangourou, qui recevra les enfants pour quelques heures ou quelques jours, le temps que les parents se ressaisissent.

Des ressources d'urgence pour parents et enfants en crise, Christine Simard, l'auteure du blogue MammaMiiia, n'en connaît pas. «Je ne sais pas s'il y en a, mais moi, je n'en ai pas à ma disposition. À la lumière des récents drames familiaux, je me suis justement demandé: est-ce qu'un parent a des recours pour mettre un enfant à l'abri de lui-même?»

La jeune mère n'est pas la seule à se poser la question. Des exemples de parents qui n'en peuvent plus, Josée Fortin, étudiante au doctorat en santé communautaire, en a plusieurs. Notamment celui d'une de ses amies, jeune professionnelle mère de trois enfants qui, en pleine séparation d'avec son conjoint, s'est sentie dépassée par les événements. «Elle m'a appelée et m'a dit qu'elle voulait tuer son bébé», explique Josée Fortin. Elle a trouvé les mots pour aider son amie, mais l'incident l'a convaincue de l'utilité d'un centre d'hébergement temporaire auquel les parents en situation de crise pourraient confier leurs enfants. Dans six mois, espère-t-elle, la première Maison Kangourou, à but non lucratif, ouvrira ses portes à Montréal.

«Je ne veux pas m'attaquer à des problèmes lourds. La Maison Kangourou, ce sera pour quelques heures, jusqu'à un maximum de 15 jours, sur une base temporaire, en réponse à un problème temporaire, quand on veut protéger les enfants», dit Josée Fortin, elle-même mère célibataire.

Les parents qui feront appel à la Maison seront filtrés à leur arrivée, mais la Maison Kangourou, qui sera ouverte jour et nuit et qui pourra accueillir jusqu'à 20 enfants, se veut une réponse flexible et simple aux situations de crise. «Parfois, les gens ont peur d'aller au CLSC parce qu'ils craignent d'être signalés à la DPJ, dit-elle. Et au CLSC, il faut ouvrir un dossier pour commencer des démarches. Mais quand on est en détresse, on n'a pas forcément le temps ou la force d'aller ouvrir un dossier. Et parfois, les problèmes sont passagers. Ce qu'on veut, c'est éviter que les gens craquent. On veut protéger les enfants.»

Donner du répit aux parents, l'idée n'est pas totalement nouvelle, dit Xavier-Pierre Côté, chef d'administration du programme Enfance-Famille-Jeunesse et responsable de Crise Ado-Famille-Enfance du CLSC Rosemont. Les CLSC offrent des réponses aux familles et mettent les parents en contact avec des services psychosociaux, des éducateurs spécialisés ou tout autre intervenant pertinent. «La porte d'entrée à tout cela, c'est le CSLC», dit-il.

Malgré tout, si des services peuvent être offerts aux cas les plus pressants, les délais de traitement varient, selon M. Côté, de deux à six semaines. De façon générale, dans les situations de détresse et d'urgence, le besoin est là. «A-t-on suffisamment de services? Ce n'est pas sûr. Il y a encore beaucoup de difficultés, dit-il. Et, encore une fois, ce ne sont pas toutes les clientèles qui viennent frapper à nos portes. La question, c'est: comment mieux rejoindre ceux qui ne viennent pas?»

Répit-Providence

Avec ses neuf places, le centre Répit-Providence, dans Hochelaga-Maisonneuve, tourne presque toujours à pleine capacité. Ouvert depuis 15 ans, le centre accueille des enfants qui lui sont envoyés par un CLSC, un travailleur social, un centre jeunesse ou un médecin, notamment. Les enfants peuvent y passer quelques jours à la fois, et ce, à plusieurs reprises, pendant plusieurs mois. Si la formule a fait ses preuves, elle reste difficile à financer. «On fait des collectes de fonds, on frappe aux portes, et parfois on se frappe aux murs, dit la directrice du centre, Isabelle Perreault. Le besoin est là, mais quand c'est innovateur, unique, c'est difficile de correspondre aux critères des programmes de financement. Chaque année, c'est à recommencer.»

Josée Fortin a bon espoir d'ouvrir la Maison Kangourou dans six mois, le temps de trouver l'emplacement idéal. «Ça fait un an que je travaille à ce dossier, tout est en place. On cherche actuellement des subventions», dit-elle.