Outrée que l'assurance-emploi ait refusé de lui verser des indemnités parce qu'elle revenait d'un congé de maternité, une mère de famille montréalaise se prépare à livrer bataille devant les tribunaux pour contester le programme fédéral, qu'elle juge «complètement injuste» envers les nouveaux parents.

«Est-ce qu'ils pensent qu'avoir un enfant, c'est comme un passe-temps? Comme tous les pays occidentaux, le Canada a besoin d'enfants. Mais cette politique ne rend pas la chose très attrayante!», déplore Norah Krahl.

La jeune femme travaillait depuis 2007 comme traductrice et coordinatrice de projets dans les bureaux montréalais de Global Interactive Support, une firme américaine qui offre des services d'assistance aux entreprises de jeu et de commerce en ligne.

Enceinte, elle a pris un an de congé de maternité à partir de mai 2010, comme le lui permet le Régime québécois d'assurance parentale.

Mais une mauvaise surprise l'attendait à son retour au travail, un an plus tard: son département devant être transféré à Boston, elle a perdu son emploi le mois suivant son retour.

Pas un revenu d'emploi

Dès sa mise à pied, elle a fait une demande de prestations du régime fédéral d'assurance-emploi auquel elle a cotisé pendant des années. Mais on lui a répondu qu'elle n'y avait pas droit.

Au Canada, il faut avoir travaillé un certain nombre d'heures au cours de la dernière année pour avoir droit aux prestations. Le gouvernement ne considère pas les prestations parentales comme un revenu d'emploi, même pour les personnes qui conservent leur travail pour y revenir après le congé.

Des exceptions existent pour les malades, les personnes en retrait préventif, les bénéficiaires de mesures d'employabilité et les prisonniers. Dans ces cas, le gouvernement accepte de prendre en compte le travail accompli au-delà de l'année précédente. Aucune exception du genre n'est prévue pour les travailleurs en congé parental.

«Si j'étais en prison, ils auraient accepté de remonter plus loin en arrière et ils auraient considéré que j'avais assez travaillé pour avoir droit aux prestations. Mais comme j'ai eu un enfant, ils ne le feront pas», regrette Norah Krahl.

La nouvelle maman vit grâce à de petits contrats de traduction à la pige. Le 25 août prochain, elle comparaîtra devant le Conseil arbitral de l'assurance-emploi afin de contester la loi. Des recours sont ensuite possibles devant un juge-arbitre, puis la Cour d'appel fédérale et, dans des cas exceptionnels, la Cour suprême du Canada.

Effet pervers

Selon Me Jean-Guy Ouellet, avocat spécialiste en droit de l'assurance-emploi, la plaignante n'a aucune chance d'obtenir un cent grâce à ces procédures. Mais elle pourrait réussir à attirer l'attention du gouvernement sur un «effet pervers» du programme de congés parentaux.

«Il arrive que le conseil arbitral ou un juge-arbitre fasse un commentaire pour dire qu'il est possible que la cause démontre une lacune dans la loi. Il est arrivé que les commentaires d'un juge soient repris par le législateur des années plus tard. C'est comme ça que les lois sont éventuellement modifiées. Mais pour le moment, la loi est claire, elle n'y a pas droit», explique-t-il.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) prépare justement un projet de loi à ce sujet qu'il compte déposer à la Chambre des communes sous peu.

«Une personne qui a un emploi et qui part en congé de maternité, c'est évident que son but n'est pas de chercher un nouvel emploi. Quand, à sa surprise, son employeur supprime son emploi, c'est pas mal cruel que cette personne-là n'ait pas droit à des prestations. Nous, on veut que le congé de maternité n'ait pas de conséquences sur le versement des prestations», explique le député Yvon Godin, responsable du dossier au NPD.

Le bureau de la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, Diane Finley, n'a pas répondu à notre demande de commentaire hier.

«Je trouve ça vraiment injuste. Je n'étais pas sans emploi, j'étais à la maison temporairement pour m'occuper d'un enfant. Ce n'est pas comme si j'avais pris un an de congé pour voyager. Je trouve ça complètement injuste et c'est pour ça que je veux contester», conclut Norah Krahl.