Un cochon stressé ne fait pas une bonne côtelette. La qualité de la viande de porc est tributaire des conditions de transport de l'animal vers l'abattoir. Or, au Canada, 90% des camions utilisés - de type pot-belly à trois étages - sont inadéquats, selon Luigi Faucitano, chercheur en qualité de la viande à Agriculture et Agroalimentaire Canada.

«Ces camions pot-belly ont des rampes très inclinées, que les porcs ont beaucoup de difficulté à monter et à descendre pour accéder aux étages inférieur et supérieur, a expliqué hier à La Presse M. Faucitano. C'est un stress, autant pour l'animal que pour le manipulateur, parce que les porcs n'avancent pas. C'est un préjudice pour le bien-être animal et la qualité de la viande.»

Avec son équipe, M. Faucitano a étudié le transport de 3757 porcs d'une ferme commerciale jusqu'à un abattoir de la région de Montréal. «Les animaux transportés dans les étages auxquels ils ont accès par une rampe donnent le plus de problèmes de qualité de viande, a-t-il indiqué. Ils donnent soit des viandes pâles et exsudatives, soit des viandes trop foncées, qui viennent d'animaux qui arrivent à l'abattage complètement épuisés.»

En fait, 15% de la viande provenant de porcs transportés dans les étages supérieurs ou inférieurs perdent trop d'eau (exsudation), contre 10% pour celle provenant du milieu du camion. Ampleur des pertes économiques dues à cette exsudation? Environ 3$ par carcasse, soit 1,2 million par an au Québec.

Les camions pot-belly ont l'avantage de transporter jusqu'à 250 porcs à la fois, ce qui explique leur popularité. Il existe heureusement des camions flat decks munis d'étages qui montent ou descendent comme un ascenseur, évitant aux porcs d'avoir à se livrer à des prouesses physiques. «Il y a certaines entreprises qui pensent à changer leur parc de camions», a relevé le chercheur.

Premier groupe de recherche sur le transport des porcs

M. Faucitano dirige le premier groupe de recherche sur le transport des porcs au Canada. «C'est un sujet assez nouveau en Amérique du Nord, même s'il est beaucoup étudié en Europe, où il y a un grand intérêt pour le bien-être animal», a-t-il dit. Les porcs européens ont droit à des camions équipés de ventilateurs et de brumisateurs, utiles par temps chaud, mais très rares chez nous. «Ils veulent réduire le plus possible la mortalité», a précisé le chercheur. Au Canada, 9 porcs sur 10 000 meurent durant le transport, pour des pertes évaluées à 2,5 millions par an en 2007.

D'autres facteurs ont un effet sur la qualité du transport - et de la viande - des porcs. Un revêtement antidérapant et amortissant le bruit ambiant dans le camion fait baisser le taux de viande exsudative de 1,5%. Donner plus de place aux porcs (en en chargeant moins) est aussi essentiel dès qu'il fait plus de 24 °C. Le style de conduite des chauffeurs a aussi un impact sur la qualité des côtelettes, les porcs souffrant de mal des transports et de blessures lorsqu'ils sont trop secoués sur la route!

«Ici, on n'a pas de législation sur le transport des porcs, contrairement à l'Europe, a souligné M. Faucitano. En Amérique du Nord, il y a des codes de pratiques, des recommandations qui sont de plus en plus suivies, mais rien d'obligatoire.»