Un imposteur au long passé criminel qui se prétendait entrepreneur en construction a semé la pagaille dans l'industrie et au sein des gouvernements lorsqu'il a inventé une rocambolesque histoire de terreur syndicale sur un important chantier, reprise par plusieurs médias nationaux au cours des derniers jours.

Michele Motta a d'abord réussi à berner un journaliste du Journal de Montréal et s'est retrouvé en première page du quotidien avec son récit samedi. L'histoire a été reprise par TVA et la chaîne Sun News. Lundi, Motta en a remis dans une entrevue au quotidien Le Droit, qui a ensuite découvert des failles dans son récit.

Dans tous les articles, Motta se disait propriétaire de l'entreprise Motta Céramique et Marbre. Il affirmait que son entreprise travaillait sur un chantier du boulevard Carrière, à Gatineau. Il s'est fait prendre en photo devant le site, où le promoteur Broccolini érige une tour de bureaux pour le compte de Travaux publics Canada.

En tant qu'entrepreneur, il disait craindre pour sa vie en raison du harcèlement syndical. Selon lui, des «gars du syndicat» auraient fait comprendre à ses employés membres de la FTQ-Construction qu'ils n'étaient pas les bienvenus. Lui-même aurait reçu des menaces «quatre ou cinq fois par jour, souvent la nuit» et aurait fui sa maison. Un de ses camions aurait été incendié et il aurait été obligé d'envoyer ses enfants vivre à l'hôtel. Il disait aussi avoir déjà été obligé de verser 20 000$ «dans une enveloppe brune» au syndicat.

Régie du bâtiment

Or, Michele Motta n'est pas entrepreneur en construction, comme un simple clic de souris sur le site de la Régie du bâtiment permet de le confirmer. Sa société n'existe pas au Registre des entreprises non plus.

À la Commission de la construction, le porte-parole André Martin confirme que M. Motta a déjà été actionnaire d'une entreprise de céramique, mais que celle-ci n'est plus enregistrée depuis 1991. Il a ensuite travaillé comme ouvrier.

Depuis septembre 2009, M. Motta a même perdu ses cartes de compétence en carrelage, qu'il détenait depuis 1986.

«Donc, s'il travaille, c'est qu'il ne déclare pas ses heures», résume le porte-parole de la Commission, André Martin.

La vraie entreprise responsable de la céramique sur ce chantier est Carrelage Casco, sous-traitant du promoteur Broccolini.

Les deux entreprises disent avoir eu beaucoup de problèmes en raison des mensonges de Motta.

«Ce gars-là a travaillé chez nous quelques jours comme poseur de céramique. Aucun syndicat, aucune police ne sont venus sur le chantier ces jours-là», confirme Nick Ivanowski, responsable du chantier pour Broccolini.

Son sous-traitant, Tony Spensieri, de Carrelage Casco, est celui qui avait accepté de faire travailler M. Motta.

«J'avais accepté de le prendre parce que je connaissais son père. J'ai essayé de l'aider, regarde ce que ça m'a donné!», dit-il.

«Ça n'a pas de bon sens de dire n'importe quoi comme ça. Mon avocat est là-dessus», ajoute M. Spensieri.

Casco et Broccolini ont été inondés d'appels d'employés et de partenaires. Même Ottawa a exigé des explications.

«Ça nous fait mal. On a un chantier de 180 personnes sans aucun problème. Et là, mon client, le gouvernement fédéral, me demande ce qui se passe», déplore M. Ivanowski.

Même la chef de cabinet de la ministre Lise Thériault s'est fait prendre au jeu et a interpellé la FTQ-Construction sur ce qu'elle croyait être un vrai cas d'intimidation d'entrepreneur, lundi.

La FTQ-Construction s'estime «salie injustement». «C'est sorti à la grandeur du Québec comme si c'était la vérité. On va regarder maintenant ce qu'on va faire vis-à-vis de ce manque de rigueur», explique son président, Yves Ouellet.

Michele Motta, lui, est détenu depuis lundi pour à une histoire de conduite avec facultés affaiblies. Les dossiers de la cour montrent qu'il traîne un historique d'alcool au volant, de non-respect des conditions, d'entrave et de menaces, qui lui ont valu quelques séjours en prison.