La répression policière a repoussé les prostituées montréalaises dans des secteurs plus isolés, ce qui les rend plus vulnérables à la violence, selon une coordonnatrice au groupe de pression Stella, Anna-Louise Crago.

Mme Crago soutient que la répression policière contre les prostituées travaillant dans la rue est «incroyablement lourde». Selon elle, cette répression qu'elles subissent, ainsi que leurs clients, les empêche de travailler en toute sécurité.

Les experts estiment que le même genre de répression a été exercé dans d'autres villes du Canada, transformant la prostitution en un métier dangereux.

À Vancouver, par exemple, les policiers sont parvenus à isoler les prostituées dans un quartier de la ville, le Downtown Eastside, où le tueur en série Robert Pickton a pu trouver ses victimes, rappelle un criminologue de l'Université Simon-Fraser, John Lowman.

La répression facilite la tâche des Pickton et autres prédateurs de ce monde, affirme M. Lowman. Au cours d'une entrevue, il a déclaré que le consensus se faisait autour de l'idée que les lois actuelles étaient insensées.

Il n'est pas interdit de se prostituer au Canada, mais plusieurs activités liées à la prostitution sont considérées comme des actes criminels.

Selon M. Lowman, cette ambiguïté a créé de la confusion dans les tribunaux et nuit au travail policier.

Protéger les prostituées contredit les tentatives policières de contrer la prostitution.

Selon une étude du B.C. Centre for Excellence in HIV/AIDS, il existe un lien entre le harcèlement policier et la possibilité pour une prostituée d'être victime d'un acte de violence.

À Montréal, le groupe Stella a enregistré annuellement entre 50 et 60 cas de violences, incluant des viols, des voies de fait graves et des tentatives de meurtre, contre des prostituées. Seulement quatre ou cinq affaires sont présentées devant les tribunaux, car les victimes craignent d'être accusées à leur tour, affirme Émilie Laliberté, directrice de Stella.

Au Canada, 171 prostituées ont été assassinées entre 1991 et 2004. Quarante-cinq pour cent de ces meurtres n'ont pas été résolus, indiquait une étude de Statistique Canada, en 2006.

Ce débat sur la façon de mettre un terme à violence pourrait être tranché par les tribunaux. Les gouvernements canadien et ontarien tentent de faire renverser un jugement d'une cour inférieure. Le juge avait déclaré inconstitutionnelles trois lois contre la prostitution arguant qu'elles forçaient les prostituées à choisir entre l'obéissance à la Loi et leur propre protection. Quelle que soit la décision de la Cour d'appel, la cause sera vraisemblablement entendue par la Cour suprême.

Les groupes de pression sont plus optimistes à la suite de la décision de la Cour suprême appuyant un centre d'injection supervisé Insite à Vancouver. Selon Mme Laliberté, c'est un signe important que si le gouvernement Harper se fiche de respecter les droits des travailleuses du sexe, les tribunaux s'en chargeront.