Le Comité de déontologie policière vient d'ordonner la suspension sans salaire d'un agent du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) durant 20 jours pour usage «abusif» du pistolet électrique (de type Taser) sur Quilem Registre, un homme de 38 ans qui est mort quelques jours après l'intervention policière. Son partenaire a aussi écopé d'une sanction de cinq jours sans salaire pour avoir omis de freiner son collègue dans l'utilisation excessive de l'arme.

L'affaire remonte au 14 octobre 2007. Ce soir-là, les patrouilleurs Yannick Bordeleau et Steve Thibert interceptent M. Registre au volant de son véhicule après qu'il eut négligé de respecter un stop. Lorsque l'un des policiers s'approche du véhicule, M. Registre part en trombe et accroche deux voitures avant d'en heurter une autre de plein fouet.

Selon ce que l'agent Bordeleau a inscrit dans son rapport d'événement, M. Registre est hystérique et agité après l'accident. Il tente de lui donner des coups de pied et de le frapper. M. Thibert, qui est en retrait, suggère à son collègue d'utiliser le pistolet électrique. L'agent Bordeleau sort alors le pistolet et demande à M. Registre de «sortir ses mains». M. Registre refuse d'obtempérer. En 53 secondes, six décharges électriques de 50 000 volts lui sont administrées.

M. Registre est mort le 18 octobre à l'hôpital du Sacré-Coeur, où il a été admis après les faits. L'autopsie révélera qu'il y avait des traces d'alcool et de cocaïne dans son sang. Le rapport d'investigation du coroner a conclu que dans un «contexte d'agitation et d'intoxication, le fait qu'il ait reçu plusieurs décharges électriques a possiblement contribué à son décès».

Décharges inutiles

«Le Comité a jugé que le premier déploiement à l'endroit de M. Registre du dispositif à impulsion était justifié, mais les deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième déploiements ont constitué l'utilisation d'une force plus grande que nécessaire dans les circonstances», écrit le président Richard W. Iuticone dans sa décision rendue publique hier.

«En ce qui concerne l'agent Thibert, le Comité a jugé dérogatoire son inaction et son omission d'intervenir pour prévenir l'agent Bordeleau de cesser l'utilisation abusive du dispositif à impulsion et de le rejoindre pour contrôler M. Registre au sol», ajoute-t-il.

Au moment des faits, l'agent Bordeleau avait 11 ans de service à la police de Montréal.

C'est seulement la deuxième fois que le Comité de déontologie policière se penche sur l'utilisation du pistolet électrique. La première décision concerne un événement survenu en 2004 sur le territoire autochtone de Chisasibi, à la Baie-James. Deux policiers de la Chisasibi Cree Nation Police ont été critiqués pour avoir utilisé le pistolet sur un homme étendu sur un sofa afin de procéder à son arrestation. Cette décision est cependant en révision judiciaire devant la Cour supérieure, en attendant d'être plaidée sur le fond.

Le Service de police de la Ville de Montréal n'a pas rappelé La Presse pour indiquer si l'affaire serait portée en appel.