Une entreprise agroalimentaire de chez nous, achetée par des investisseurs chinois. C'est un scénario que Daniel Dignard, directeur du bureau du Québec à Pékin, entrevoit pour bientôt. « La Chine veut vraiment sécuriser ses approvisionnements, a-t-il dit lors d'une entrevue accordée à la fin du mois de novembre, dans son bureau de l'ambassade du Canada en Chine. On le sait, les Chinois vont être de plus en plus portés à être propriétaires d'entreprises à l'étranger. »

Une première mine québécoise, Nunavik Nickel, a été achetée en totalité par des Chinois, a-t-on appris cette semaine. Au début du mois de janvier, c'est un premier champ pétrolifère de l'Ouest canadien qui a été acquis par la société d'État chinoise PetroChina.

Est-ce au tour d'usines de produits laitiers ou de producteurs de porc d'être achetés? « En agroalimentaire, pour l'instant, il y a des discussions dans certains domaines, mais on n'est pas rendu là, a précisé M. Dignard. On sent toutefois que c'est quelque chose qui va arriver dans les domaines minier, forestier, agroalimentaire, de grandes industries qui approvisionnent une économie en croissance. »

Depuis quatre ou cinq ans, « il y a eu pour 15 milliards d'investissements chinois au Canada, a-t-il rappelé. Avant cela, on était presque à zéro ».

Acheter plus que vendre

Déjà, les Chinois s'intéressent à nos aliments. Quand les partenaires chinois de Jonathan Morgan, président de Newland North America Foods, sont récemment venus au Québec, « ils souhaitaient plus acheter que vendre », a-t-il illustré. Ce qu'ils cherchaient? Du lait de longue conservation de type Grand Pré. « La tendance, c'est que la Chine devient de plus en plus un marché d'exportation pour le Canada », avance l'homme d'affaires.

Les exportations agroalimentaires du Canada en Chine ont atteint une valeur de 2,7 milliards en 2010. Celles du Québec : 112 millions, une hausse de 300 % en trois ans.

Cela a peut-être un impact sur... ce que l'on mange ici. Les alléchantes perspectives de vente dans l'empire du Milieu « expliquent probablement pourquoi le gouvernement du Canada, comme ceux d'autres puissances agroalimentaires, est réticent à trop condamner la situation de l'industrie alimentaire en Chine, observe Loïc Tassé, politologue spécialiste de l'Asie à l'Université de Montréal. D'autant plus que le gouvernement chinois n'hésite pas à appliquer des mesures de rétorsion contre les pays qui entravent les importations alimentaires en provenance de Chine. »

Les importations de Chine plafonnent

Quant à ces importations de Chine, elles ont commencé à plafonner. « Des inondations dévastatrices, une demande intérieure accrue et la hausse des coûts de main-d'oeuvre font que les prix chinois sont moins concurrentiels qu'avant », explique M. Morgan. Spécialisée dans l'importation de fruits et légumes surgelés, Newland North America Foods a diminué ses approvisionnements de Chine en 2011.

« Il faut remettre les pendules à l'heure, soutient Sophie Perreault, directrice générale de l'Association québécoise de distribution de fruits et légumes. Il y a quelques années, on disait que bientôt, il n'y aurait que des produits de Chine dans les rayons. Qu'on allait être noyés! Ce n'est jamais arrivé, parce qu'on ne prendrait pas le risque d'être dépendants d'un seul pays. »

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1 % : La quantité de terres agricoles en Chine baisse de 1% par an, en raison du développement urbain.

1/10 : Une terre cultivée en Chine sur 10 est polluée par des métaux lourds, comme le plomb, le mercure et le cadmium.

1er : La Chine est le premier producteur mondial d'une foule d'aliments: ail, blé, melons, carottes, choux, clémentines, concombres, miel, noix, pommes de terre, porc, tabac, thé, tomates, etc.

5e : La Chine est le 5e fournisseur étranger de produits bioalimentaires du Québec, devancée par les États-Unis, le Brésil, la France et l'Italie (quant à la valeur).

No1 : La Chine est le plus grand utilisateur de pesticides et d'engrais du monde. Selon Greenpeace, cet usage intensif a sérieusement pollué l'environnement chinois.

Sources: Agriculture et agroalimentaire Canada, AFP, Fonds international de développement agricole de l'ONU, FAO, Greenpeace et la presse chinoise.