Plus de 1700 citoyens canadiens sont détenus en dehors du Canada, dont un nombre impressionnant dans des geôles américaines, incluant Omar Khadr, indiquent des données obtenues par La Presse.



Au 15 janvier 2012, 1708 citoyens canadiens étaient incarcérés sur la planète, dont 1228 aux États-Unis, contre 1073 dans le monde et 551 aux États-Unis en septembre 2009.

Il s'agit de statistiques compilées par le ministère des Affaires étrangères (MAECI) et obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. «Cette liste n'est pas exhaustive», précise dans un courriel Ian Trites, porte-parole du ministère fédéral, puisqu'il s'agit uniquement des cas rapportés, notamment par «le détenu, sa famille ou le gouvernement étranger».

En 2009, 40% des Canadiens détenus dans le monde l'étaient pour des délits reliés à la possession ou au trafic de stupéfiants et 11% à la suite d'accusations de meurtre. Cette fois-ci, les données fournies à La Presse ne précisent pas les motifs d'incarcération. Cela aurait pourtant permis d'éclairer un peu plus sur les raisons pour lesquelles tant de Canadiens sont emprisonnés aux États-Unis.

Tant du côté des autorités canadiennes qu'américaines, on dit ne «pouvoir émettre d'hypothèses» à ce sujet.

Quelques rares cas font l'objet d'une attention médiatique. Le plus célèbre est Omar Khadr, à Guantanamo, seul occidental dans cette base américaine. Hussein Célil, de l'ethnie minoritaire ouïghoure, est emprisonné à vie en Chine.

Cyndy Vanier, une contractuelle de la firme SNC-Lavallin, est détenue depuis novembre au Mexique parce qu'elle est soupçonnée d'avoir participé à un complot pour exfiltrer de Libye Saadi Khadafi, troisième fils du défunt dictateur Mouammar Khadafi, et sa famille.

Henk Tepper, producteur de pommes de terre du Nouveau-Brunswick, est en prison au Liban depuis presque un an à la demande de l'Algérie pour une sombre histoire de vente de légumes avariés. Sa famille et deux sénateurs libéraux ont dénoncé l'inaction du Canada dans ce dossier.

Soutien au cas par cas

Au moins trois citoyens canadiens sont aux portes ou dans le couloir de la mort.

Mohamed Kohail, d'abord condamné à la décapitation en Arabie Saoudite, croupit dans sa cellule dans l'attente d'un nouveau procès. Il souffrirait de graves problèmes de santé.

Aux États-Unis, Ronald Allen Smith et Robert Bolden ont été condamnés à mort pour meurtre. Que fait le Canada pour eux?

«Les Canadiens passibles de la peine de mort dans un pays étranger peuvent demander au gouvernement du Canada de faire un appel à la clémence en leur nom, écrit le porte-parole des Affaires étrangères. Le gouvernement du Canada examine ces demandes au cas par cas.»

Amnistie Internationale déplore d'ailleurs ce «règne de l'arbitraire» du gouvernement Harper dans sa décision d'aider ou pas les ressortissants incarcérés à l'étranger, en particulier les condamnés à mort.

«L'attitude du Canada face à la peine de mort est la même que celle adoptée face à la torture, déplore Anne Sainte-Marie, porte-parole d'Amnistie Internationale Canada. Une attitude est d'autant plus étrange, ajoute-t-elle, provenant d'un pays qui a adhéré en 2005 au «Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort» des Nations unies.

Un projet de loi battu

En 2009, le député du NPD Paul Dewar avait voulu soumettre un projet de loi forçant le Canada à apporter tout le soutien nécessaire à ses ressortissants détenus à l'étranger, quelle qu'en soit la raison. «Un Canadien est un Canadien, voilà le principe derrière notre proposition. Le sort des citoyens ne doit pas être laissé aux caprices du gouvernement», déclarait alors M. Dewar.

La motion présentée en mars 2010 et en septembre 2011 réclamait de «promulguer une loi pour assurer la prestation uniforme et non discriminatoire des services consulaires à tous les Canadiens en détresse». Elle a été battue à chaque fois.

Un Canadien a eu la chance de disparaître de cette liste depuis sa communication à La Presse. Condamné à cinq ans de prison à Bahrein pour sa participation aux manifestations de l'an dernier contre le régime, Nasser al-Rass a été libéré le 7 février pour raison de santé.

La situation est moins rose pour Saeed Malekpour. Ce résident permanent incarcéré en Iran en 2008 risque à tout moment d'être exécuté. Le cas de cet informaticien n'est pas inclus dans la liste du MAECI puisqu'il n'est pas citoyen du Canada.

- Avec la collaboration de William Leclerc

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Les Canadiens incarcérés dans le monde

> États-Unis: 1228

> Chine: 86

> Australie: 47

> Japon: 29

> Royaume-Uni: 21

> Pérou: 18

> Allemagne: 11

> France et République dominicaine: 10

> Costa-Rica: 9

> Colombie, Mexique, Panama: 8

> Autres : 214

Source: MAECI, accès à l'information