Les Québécois ont des opinions polarisées sur la grève étudiante, mais ils refusent d'accorder leur appui total à un camp ou à l'autre. Si la majorité est favorable à une hausse des droits de scolarité, ils sont tout aussi nombreux à demander au gouvernement de mettre de l'eau dans son vin par le truchement de la négociation. À l'heure où les grévistes semblent arriver à la croisée des chemins, la population en appelle à un compromis.

Les Québécois appuient massivement le gouvernement dans sa volonté de hausser les droits de scolarité, mais ils en ont visiblement assez du conflit qui s'étire avec les étudiants, démontre un sondage CROP réalisé au cours des derniers jours à la demande de La Presse.

Près des deux tiers (61%) des Québécois se disent d'accord avec la résolution du gouvernement Charest de hausser les droits de scolarité de 1625$ en cinq ans. À l'inverse, 39% des gens sont plutôt en désaccord ou totalement en désaccord avec cette idée.

Il s'agit d'un appui très solide pour le gouvernement Charest, estime le vice-président de CROP, Youri Rivest. «Compte tenu de la faible popularité du gouvernement dans les sondages, le fait que 61% des gens l'appuient est une très bonne nouvelle pour lui.»

Toutefois, autant de répondants (61%) pensent que le gouvernement doit négocier avec les étudiants. Même ceux qui appuient la hausse des droits de scolarité veulent, dans une proportion de 38%, que le gouvernement convie les étudiants à la table de négociation.

«Les gens veulent une sortie de crise, conclut M. Rivest. Ils veulent que ça se règle. C'est très québécois de ne pas aimer la chicane.»

La grève en est aujourd'hui au 46e jour. Depuis une semaine, les étudiants ont multiplié les actions et les manifestations un peu partout dans la province.

Le sondage a été mené auprès de 800 internautes les 28 et 29 mars, soit après que le premier ministre Jean Charest eut manifesté une timide ouverture à la bonification du programme d'aide financière aux études. Jeudi, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, a pour la première fois laissé entendre qu'elle était prête à lancer le dialogue, à la condition que les étudiants renoncent à réclamer le gel des droits de scolarité. Depuis plusieurs mois, tant Mme Beauchamp que le ministre des Finances, Raymond Bachand, se refusaient à tout dialogue au motif qu'il n'y avait pas lieu de discuter avec des gens qui ne veulent que le gel des droits de scolarité ou carrément la gratuité.

Les étudiants doivent faire des compromis

Si les Québécois sont fatigués du conflit, le sondage démontre par ailleurs qu'ils veulent aussi que les étudiants mettent de l'eau dans leur vin.

L'intransigeance dont certaines associations font preuve ne trouve pas d'écho dans la population. Certaines associations ont en effet voté pour la grève générale illimitée tant que le gouvernement n'aura pas totalement reculé sur la question de la hausse des droits de scolarité. Cette position reçoit très peu d'appuis: seulement 8% des Québécois sont d'avis que les étudiants ne devraient faire aucun compromis.

Une majorité (57%) pense plutôt que les étudiants devraient accepter de faire certains compromis. Même les répondants qui sont contre la hausse pensent, dans une proportion de 77%, que les étudiants devraient se montrer flexibles. Enfin, le tiers des gens pense que les étudiants devraient tout simplement accepter la hausse des droits de scolarité et rentrer en classe.

Les solutions

Comment le gouvernement devrait-il dénouer la crise? La première option est la bonification du régime de prêts et bourses, croient 26% des répondants. Le premier choix d'un autre quart des répondants est plutôt de soumettre les universités à une vérification comptable plus serrée.

Le vice-président de CROP voit là un message clair à l'intention des recteurs et des administrations des universités: «Les gens pensent qu'il y a un ménage à faire là-dedans.» Les pertes financières qu'ont essuyées les universités dans des projets immobiliers qui ont mal tourné ainsi que les indemnités de départ et les salaires élevés que touchent des cadres et des recteurs semblent avoir marqué la mémoire des gens.

Parmi les autres propositions, une hausse moins marquée des droits de scolarité trouve écho chez 17% des répondants. Un Québécois sur six (15%) pense par ailleurs que les étudiants devraient rembourser leurs prêts et bourses s'ils ne travaillent pas au Québec une fois qu'ils sont diplômés.

Droits de scolarité modulés

Un futur médecin devrait-il payer davantage pour sa formation qu'un enseignant? Les deux tiers des Québécois croient que oui.

Près de la moitié (45%) des répondants au sondage estiment que les droits de scolarité devraient varier selon le coût réel de la formation reçue et l'espérance de revenu par la suite, et un Québécois sur cinq (21%) croit que les droits devraient varier en fonction du domaine d'étude seulement.

Les deux propositions reçoivent donc l'approbation des deux tiers des répondants.

Cette idée de moduler les droits de scolarité en fonction des programmes a notamment été présentée dans des recherches du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO). Le gouvernement l'a rejetée.

Le sondage révèle toutefois que le quart des Québécois est d'avis que les droits de scolarité doivent continuer d'être les mêmes pour tous, peu importe le programme ou le revenu que touchera plus tard le diplômé.