(Ottawa) Les libéraux de Justin Trudeau avaient visiblement la mine basse à la Chambre des communes cette semaine en voyant le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, tenter de se dépêtrer d’une nouvelle controverse provoquée par des communications défaillantes.

Ce n’est pas la première fois que M. Mendicino se retrouve sur la sellette pour de mauvaises raisons. Cet ancien procureur fédéral de la région de Toronto semblait pourtant destiné à un avenir prometteur quand il a accédé au cabinet en 2019 à titre de ministre de l’Immigration.

Le Parti conservateur et le Bloc québécois ont fait une compilation des bévues qu’il a commises au cours des 12 derniers mois. Le palmarès n’est pas glorieux.

Le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, la présence de postes de police chinois au Canada, l’occupation illégale d’Ottawa par le « convoi de la liberté » et le transfert du tueur en série Paul Bernardo d’un pénitencier à sécurité maximale en Ontario vers un établissement carcéral à sécurité moyenne au Québec sont autant de dossiers où le ministre a tenu des propos qui ont été contredits ou qui ont soulevé la colère de plusieurs.

Dans les rangs libéraux, on estime que la confusion entretenue par le ministre dans le dossier du transfert de Paul Bernardo cette semaine est la goutte qui a fait déborder le vase.

Selon eux, un remaniement ministériel s’impose au cours de l’été. Et le plus tôt sera le mieux.

« Tout ce qui traîne finit par se salir », a fait valoir une source libérale qui a réclamé l’anonymat afin de pouvoir s’exprimer plus librement. En d’autres mots, plus Justin Trudeau tarde à donner le coup de balai nécessaire au sein de son cabinet, plus il risque d’en subir les conséquences politiques.

Déjà talonné depuis des mois par les partis de l’opposition dans le dossier de l’ingérence étrangère et la hausse du coût de la vie, le gouvernement Trudeau donne l’impression de terminer la session sur les genoux. Les travaux parlementaires doivent prendre fin la semaine prochaine. Les stratèges libéraux comptent les jours depuis plusieurs semaines.

D’autant que Marco Mendicino n’est pas le seul ministre à avoir mis le gouvernement Trudeau dans l’embarras pour des raisons similaires. Le ministre de la Protection civile, Bill Blair, a invoqué des communications défaillantes le mois dernier pour expliquer pourquoi il n’avait jamais reçu de note d’avertissement du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), en 2021, dans laquelle on confirmait que le député conservateur était la cible de manœuvres d’intimidation de la Chine parce qu’il avait parrainé une motion dénonçant le traitement réservé à la minorité ouïghoure par le régime communiste.

Or, le directeur du SCRS, David Vigneault, a assuré devant un comité parlementaire cette semaine que cette note avait été envoyée spécifiquement au ministère de la Sécurité publique que dirigeait Bill Blair à l’époque et qu’elle l’avait aussi été expédiée au ministre.

Le ministre du Développement international, Harjit Sajjan, a aussi plaidé l’ignorance au printemps lorsqu’il a été rapporté que la sénatrice Marilou McPhedran délivrait des documents de voyage non autorisés à des centaines de réfugiés afghans après la prise de Kaboul par les talibans en août 2021.

À l’époque, M. Sajjan dirigeait le ministère de la Défense. Devant un comité parlementaire, la sénatrice a affirmé qu’elle avait informé le ministre de sa démarche en lui envoyant un courriel ainsi qu’à d’autres ministres. Mais M. Sajjan a soutenu qu’il n’en savait rien parce qu’il ne vérifiait pas ses courriels, étant trop occupé à gérer les opérations d’évacuation.

Ces faux pas ont mis en relief ce que les partis d’opposition qualifient de « défaillances » ou d’aveuglement dans les communications dans les bureaux des ministres libéraux.

« C’est un pattern. Les ministres nous disent constamment qu’ils ne sont pas au courant de notes d’information. […] On peut croire sur parole que leur personnel n’a pas cru bon de les informer une fois, peut-être deux fois, mais il arrive un point où c’est l’équivalent politique de dire que mon chien a mangé mon devoir. Ces ministres en perdent pas mal, des devoirs. On commence à s’inquiéter de la santé de leur chien », a laissé tomber la députée du Bloc québécois Kristina Michaud.

Le gouvernement nous a servi un fiasco après l’autre. Le degré de désorganisation et de négligence des ministres libéraux est souvent consternant.

Peter Julian, député du NPD

Selon toute vraisemblance, Justin Trudeau attendra encore quelques semaines avant de décider s’il apportera des changements à son cabinet. Mais plusieurs ministres sont convaincus qu’un jeu de chaises musicales est inévitable. Aucun remaniement majeur n’a eu lieu depuis les dernières élections, à l’automne 2021, il y a plus de 18 mois. Le temps file. Les libéraux ont obtenu un second mandat minoritaire au dernier scrutin. Ils ont conclu l’an dernier une entente avec le NPD qui assure leur survie aux Communes jusqu’en juin 2025. Ils examinent le calendrier électoral. Ils arrivent déjà à mi-mandat, le moment privilégié par les premiers ministres pour revigorer l’équipe ministérielle et mettre à jour le plan de match du gouvernement pour la seconde moitié du mandat.

Si certains ministres ont cafouillé au cours des derniers mois, d’autres ont brillé et méritent pleinement une promotion. C’est notamment le cas de la ministre des Sports et de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, Pascale St-Onge, et du leader du gouvernement en Chambre, Mark Holland. D’autres ministres, notamment François-Philipe Champagne à l’Industrie, Mélanie Joly aux Affaires étrangères, Jonathan Wilkinson aux Ressources naturelles, Dominic LeBlanc aux Affaires intergouvernementales, Anita Anand à la Défense nationale et Steven Guilbeault à l’Environnement, continuent d’être des piliers du gouvernement.

Des élections partielles sont prévues lundi dans quatre circonscriptions au pays. Les libéraux s’attendent à ce que la candidate Anna Gainey remporte la victoire dans Notre-Dame-de-Grâce–Westmount et que Ben Carr en fasse autant à Winnipeg–Centre-Sud. Mais il est peu probable que Justin Trudeau leur confie des responsabilités ministérielles rapidement. Des députés libéraux en poste depuis 2015 et qui ont fait leurs preuves piaffent déjà d’impatience de recevoir son appel.