Alors que l’inflation se maintient à un niveau douloureux, François Legault se demande quoi faire.

La semaine dernière, il a ouvert la porte à envoyer de nouveau de l’argent aux Québécois. Le temps va bientôt lui manquer pour le faire sans tomber dans l’indécence électorale.

Il faudrait compter quelques semaines entre l’annonce de la mesure et la réception de l’argent. Un chèque reçu au milieu de l’été donnerait l’impression d’être signé par le chef de la CAQ, et non par le premier ministre. Avec un logo du parti à la place du drapeau du Québec.

Lors du dernier budget, le ministre des Finances, Eric Girard, a laissé entendre que les impôts pourraient être baissés. M. Legault a confirmé la semaine dernière que c’était sérieusement envisagé.

Cette option aurait aussi des inconvénients.

D’abord, si le but est de réagir à l’inflation passagère, la mesure ratisse trop large.

Les caquistes plaideront que la mesure serait pertinente même sans inflation et qu’ils ont la marge de manœuvre pour le faire. En 2023-2024, les dépenses devraient égaler les revenus. Le déficit restant proviendra des versements au Fonds des générations, qui finance le remboursement de la dette. De plus, à très court terme, l’inflation se fait plus ressentir dans les revenus que dans les dépenses de l’État – la prévision de déficit pour 2021-2022 a été revue à la baisse la semaine dernière.

Reste que le Québec n’est pas à l’abri d’une récession. Et à long terme, il n’échappera pas au choc démographique qui fera bondir les dépenses en santé.

L’autre inconvénient, c’est le risque stratégique. Le Québec réclame une hausse des transferts en santé. Il serait ironique que M. Legault explique à Ottawa que l’argent lui manque, tout en réduisant ses propres revenus avec une baisse d’impôt.

L’automne dernier, le gouvernement Legault annonçait un chèque de 200 à 270 $ pour les personnes à faible revenu. Près de 3,3 millions de Québécois l’ont reçu.

Dans son dernier budget, il a été plus généreux et moins ciblé, avec un retour de 500 $ pour tous ceux qui déclarent un revenu net inférieur à 100 000 $. Soit 94 % de la population. Ce n’est pourtant pas tout le monde qui avait besoin d’aide. Durant la pandémie, le taux d’épargne a presque triplé et, au début de 2022, le salaire horaire moyen a augmenté plus vite que l’inflation.

Alors que l’été approche, les caquistes hésitent entre l’approche ciblée de 2021 et la prodigalité du dernier budget.

Chose certaine, l’électorat est ouvert aux propositions… La hausse du prix de l’essence et de l’épicerie fait mal. Et l’inflation de base (en excluant l’énergie et l’alimentation) s’accélère aussi.

Lisez l’article d’André Dubuc « L’inflation de base s’accélère au Canada »

La pandémie a aussi donné de bons arguments à ceux qui veulent que l’État aide les plus démunis.

De 2019 à 2020, le taux de pauvreté a presque diminué de moitié au Québec (de 8,9 % à 4,8 %). Nous sommes devenus la province comptant le moins de pauvres au pays, devant même l’Alberta1. Il est vrai que des programmes aidaient des gens qui n’en avaient pas besoin. Mais c’est un argument pour mieux les cibler, et non pour les abolir.

À la création de la CAQ, on prédisait que la politique cesserait de se faire à partir de l’axe indépendantiste-fédéraliste. Un nouveau clivage devait apparaître entre la gauche et la droite.

Ça ne paraît pas beaucoup en ce moment.

La campagne électorale en Ontario donne un avant-goût de ce qui nous attend en septembre. Les partis risquent de s’affronter avec des propositions très terre à terre.

Bien sûr, la santé, l’environnement et l’identité seront aussi au cœur des débats. Après tout, la pandémie a révélé la fragilité du réseau de la santé, la vétusté des écoles et la pénurie d’enseignants et d’éducatrices. Mais l’affrontement se fera aussi autour du portefeuille des électeurs.

Déjà, les promesses s’accumulent. En voici un très bref aperçu.

Québec solidaire veut doubler le crédit d’impôt solidarité et bonifier de 500 $ le crédit aux 65 ans et plus.

Le Parti québécois créerait une « allocation pouvoir d’achat » – un crédit d’impôt remboursable allant jusqu’à 1000 $ – et suspendrait les cotisations à la Régie des rentes.

Le Parti libéral veut éliminer la TVQ sur les biens essentiels et créer une allocation pour aînés.

D’autres promesses viendraient avec des effets pervers.

Les péquistes veulent plafonner le prix de l’essence, ce qui n’aiderait pas les pauvres n’ayant pas de voiture, tout en encourageant la consommation d’essence alors que le but est de la réduire.

Les solidaires veulent geler les tarifs d’électricité, un incitatif au gaspillage qui favorise les propriétaires de grosses maisons.

Et les libéraux veulent abolir les droits de mutation immobilière (la « taxe de bienvenue ») pour les premiers acheteurs, ce qui aggraverait la surchauffe immobilière.

Avec leur retard dans les sondages, les partis de l’opposition voudront attirer l’attention avec des idées simples et populaires. Et à leur décharge, quand ils déposent un plan fouillé et touffu sur des sujets complexes, comme le PQ l’a fait avec les soins à domicile, la population bâille. La rigueur n’est pas toujours payante…

Quant aux caquistes, un autre risque les guette. Que leur avance finisse de tuer ce qu’il restait de gêne en eux, et que le gouvernement offre un cadeau aux électeurs au lieu d’aider les gens véritablement dans le besoin.

Mais pour l’instant, une rumeur évoque une aide ciblée, possiblement destinée aux chauffeurs de taxi ou aux camionneurs, qui souffrent du prix à la pompe. Si cette annonce se confirme, ce sera le signe que les caravanes électorales sont prêtes à reprendre la route.

Lisez à ce sujet l’analyse du politologue Alain Noël dans Options politiques