Sur la question autochtone, le gouvernement caquiste aurait intérêt à améliorer ses réflexes nationalistes. Cela devrait d’ailleurs être la priorité du ministre des Affaires autochtones, aidé par la ministre Kateri Champagne Jourdain, première Autochtone nommée ministre à Québec.

Être nationaliste, c’est croire en la valeur des nations, ces regroupements d’êtres humains qui partagent une langue, une culture, un territoire, une histoire. Être nationaliste, c’est croire que la diversité des langues et des cultures, ou plus précisément des « personnalités collectives », comme l’aurait dit René Lévesque, enrichit l’humanité.

La langue

Un nationaliste québécois sait combien, en Amérique du Nord, préserver sa langue est un combat. Les Québécois représentent 2 % du continent, les Autochtones 2 % du Québec. Au moment d’adopter la loi 96 pour protéger le français, le gouvernement n’a pas tenu compte de leurs langues. Il s’est repris par la suite et parle même aujourd’hui d’une loi 101 « pour la protection des langues autochtones ». C’est un progrès considérable, mais son premier réflexe n’était pas le bon.

Autre élément linguistique. Les quatre langues autochtones les plus utilisées au Canada sont parlées au Québec.

Plus encore, chez nous, 80 % des Autochtones vivant en communauté connaissent une langue autochtone, pourcentage près de deux fois plus élevé que celui de la province qui vient au deuxième rang, le Manitoba, à 46 %.

Le Québec est dans le peloton de tête des États où les langues autochtones ont une chance réelle de survivre, il doit le rester : c’est essentiel pour les nations autochtones, et c’est une source de fierté pour la nation québécoise.

La culture

La langue n’est pas uniquement un moyen de communication, elle est le véhicule d’une culture, et la culture fait la force d’une nation. Un nationaliste veut donc protéger les caractéristiques culturelles propres à sa nation, par exemple sa littérature, son cinéma, sa poésie, ses traditions.

Au cœur de la culture de plusieurs nations autochtones, notamment celle des Innus, il y a le caribou forestier. Leur lien avec lui est de l’ordre du sacré1. Leur mode de vie traditionnel (nourriture, vêtements, outils), leur spiritualité, leur nomadisme, bref, leur culture entière est construite autour du caribou. Lors des élections de 2014, Philippe Couillard avait lancé l’odieuse phrase suivante : « Je ne sacrifierai pas une job pour les caribous. »

Ce ne sont pas des emplois que les Innus perdraient si le caribou venait à disparaître, c’est une partie de leur âme. Si la protection de la biodiversité ne lui suffit pas, le gouvernement devrait protéger le caribou forestier au nom de la protection de la culture innue. Pour des nationalistes, cela devrait aller de soi.

Autre exemple. L’aménagement du territoire est l’impression (dans le sens d’imprimer) d’une culture, d’une identité, sur un territoire. L’an prochain, le gouvernement du Québec adoptera un plan de mise en œuvre d’une première politique québécoise de l’architecture et de l’aménagement du territoire. Les nations autochtones devront y trouver des outils pour imprimer leur culture sur leur territoire.

L’éducation, la justice, les affaires sociales

Être nationaliste, c’est également vouloir que nos institutions reflètent notre culture dans leur fonctionnement comme dans leurs actions. Prenons, par exemple, la solidarité québécoise. Notre capacité à mettre nos forces en commun est une caractéristique qui fait de nous un État hors norme en Amérique du Nord. Cette solidarité, construite en raison de l’obligation que nous avons longtemps eue de ne compter que sur nous-mêmes, s’exprime dans la solidité de notre filet social, par nos caisses populaires, par le nombre de nos entreprises d’économie sociale, par la grande accessibilité de nos établissements d’enseignement, etc.

Les Autochtones veulent, eux aussi, que les institutions qui les soutiennent intègrent leur identité. Ils veulent plus de justice réparatrice dans le système judiciaire. Ils veulent orienter les actions de la DPJ chez leurs jeunes, ils veulent un réseau de la santé qui donne plus de place aux familles. Ils veulent une école qui intègre leur langue, leur histoire, leurs traditions et même leurs façons d’enseigner. Un nationaliste québécois devrait reconnaître cette soif d’autonomie et tenter d’y répondre.

Durant leur mandat, la ministre Kateri Champagne Jourdain et le ministre des Affaires autochtones devraient établir que la nation québécoise doit toujours agir avec les Autochtones comme elle voudrait qu’on agisse avec elle : c’est-à-dire contribuer à consolider l’identité nationale des onze nations autochtones du Québec et les associer à sa construction.

1. Lisez l’article de Unpointcinq « Les Innus à la rescousse du caribou forestier »