Chaque début de saison, l’entraîneur Maxime Charlebois demande à ses équipes de hockey du collège Saint-Sacrement de Terrebonne de choisir trois mots, trois mots autour desquels ses joueurs vont se rallier.

Et toute la saison, les joueurs doivent adhérer à ces trois mots, sur la glace et hors de la glace. Car chaque année, Maxime Charlebois exige un engagement sportif (dans le hockey) et scolaire (dans les études) de ceux qu’il appelle ses humains-athlètes.

Cette saison, ces mots sont : discipline, fierté et sacrifices.

Le coach Charlebois garde le contact avec les anciens de L’Express, le nom des équipes du collège Saint-Sacrement. Il les invite à assister aux entraînements des éditions actuelles. Les anciens sont toujours les bienvenus autour de L’Express.

D’où le dicton de Maxime : Express un jour, Express pour toujours.

À ce stade de la lecture de la chronique, l’entraîneur doit être un peu irrité : il m’avait bien averti, lors de notre entrevue : « Cette histoire, c’est pas à propos de moi… »

Et il a bien raison : c’est à propos d’Alexis.

En 2019-2020, Alexis Carboni portait le numéro 8 de L’Express, pour sa dernière saison au collège Saint-Sacrement. Il était en 5e secondaire à l’époque. En juin 2020, il a obtenu son diplôme d’études secondaires, puis il a commencé des études au cégep Ahuntsic en techniques policières.

En décembre dernier, Alexis a reçu un double échec métaphorique : diagnostic de cancer des os, le sarcome d’Ewing. Une tonne de brique est tombée sur ce jeune de 19 ans.

Du jour au lendemain, l’élève Alexis est devenu un patient. Il a commencé ses traitements de chimiothérapie presque immédiatement.

FOURNIE PAR MAXIME CHARLEBOIS

Alexis Carboni

Quand j’ai parlé à Alexis, hier matin, il s’apprêtait à commencer sa troisième journée (de quatre) de traitement de la semaine, à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, une journée entière à se faire injecter de la chimio. Il est au milieu de son cycle de 14 semaines de traitement.

Après une journée de chimio, bien sûr, Alexis est vidé.

« Vas-tu être là, vendredi soir, à l’aréna, Alexis ?

– Je suis censé être là, oui. »

Vendredi soir, ce soir : c’est le sujet de cette chronique.

Le Forum de La Plaine va être plein pour le match entre L’Express et ses grands rivaux, Les Faucons de l’Académie Sainte-Thérèse, M18, division 1. Dans les tribunes, tout le monde portera un t-shirt acheté en appui à Alexis et à sa famille, un t-shirt blanc.

Tout a commencé lors d’une conversation entre l’entraîneur et son directeur des sports, Ronald Trudel. Maxime Charlebois voulait montrer un appui concret à Alexis, lui faire comprendre que son ancien joueur n’était pas seul. Il avait une idée : celle de faire fabriquer quelques t-shirts en appui à Alexis.

« Je me disais que les spectateurs pourraient le porter lors d’un match, un peu comme les Jets de Winnipeg, en séries, quand ils sont tous vêtus de blanc… »

Après réflexion, Maxime Charlebois a plongé : il a d’abord commandé 50 t-shirts…

Mais la nouvelle d’une vague d’appui pour Alexis s’est disséminée rapidement grâce à l’internet : Geneviève Marcoux, la blonde du coach, a pondu un texte sur Alexis pour le site web Femme d’Hockey1 ; une page Facebook créée par Carine Montpetit (La Saison D’Alexis) a documenté le parcours du jeune homme et Marjorie Drouin a lancé un GoFundMe pour la famille…

Et c’est ainsi que l’intérêt pour le match en appui à Alexis a grandi « de façon exponentielle », dit le coach Charlebois : « C’est parti comme ça, de façon banale, juste de l’idée qu’Alexis réalise qu’il y a beaucoup de monde derrière lui… »

Beaucoup de monde ?

Il s’est vendu 650 chandails blancs en appui à Alexis, pour ce match spécial !

Quand je lui ai parlé, jeudi, Maxime Charlebois était soufflé : « On a tout vendu, mais il y a encore une demande. Juste aujourd’hui, j’aurais pu en vendre 100… »

Un donateur anonyme a appelé : je paie les coûts de fabrication des tous les t-shirts, vous donnerez tous les fruits de la vente à la famille d’Alexis…

Même Les Faucons seront du mouvement de solidarité. Ramzi Abid2, l’entraîneur : « On a embarqué tout de suite. Nos parents ont tous embarqué, tout le monde va être en blanc. Ça va être un match intense, mais on va être ensemble dans quelque chose de beau. Y a tellement de négatif dans le hockey présentement, c’est l’fun d’embarquer dans de quoi de positif… »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Ramzi Abid, entraîneur des Faucons de l’Académie Sainte-Thérèse

Je souligne aussi que les joueurs de L’Express porteront ce soir un autocollant « 8 » sur leur casque, le numéro d’Alexis quand il évoluait avec l’équipe. Même chose pour les joueurs des Faucons.

Une équipe suisse qui a accueilli L’Express quand Alexis était dans l’équipe affiche également cet autocollant sur ses casques. De même que l’équipe de ringuette de Carolane, la petite sœur d’Alexis, finissante à Saint-Sacrement.

Et Jérémy Villemaire, qui porte le chandail numéro 8 de L’Express en cette saison 2022-2023, ne le portera plus : dès ce soir, il enfile le 65.

Il est même question, me disait Maxime jeudi, que tous les buts et assistances annoncés au Forum de La Plaine ce soir soient le fruit du numéro 8, une idée de ses humains-athlètes…

Bref, Alexis n’est pas seul dans son combat intime.

Si Alexis n’est pas trop fatigué, il sera au Forum de La Plaine, ce soir. Il y tient.

« Te souviens-tu de la devise du coach Charlebois, Alexis ?

– Oui, Express un jour, Express pour toujours. L’équipe, il l’a toujours dit, c’est la famille : faut être là pour s’aider, s’appuyer dans le sport, mais dans les études, aussi. On le voit avec ma situation. Il a essayé de m’entourer le plus possible. C’était pas juste des mots, Express un jour, Express pour toujours… »

J’ai oublié de vous dire les trois mots choisis par L’Express quand Alexis portait le numéro 8 : unis, intenses et courageux.

C’était pas juste pour la saison 2019-2020, apparemment.

1. Consultez le site web Femme d’Hockey 2. Lisez « La deuxième carrière de l'ancien Sags Ramzi Abid »