C’est aujourd’hui que le Québec tombe en vacances. Jamais l’utilisation du verbe tomber n’est aussi appropriée. On ne monte pas en vacances. On ne s’élève pas en vacances. On ne jaillit pas en vacances. On tombe. On s’écrase. On s’affaisse. On s’effouère.

Comme Alcaraz est tombé sur le gazon de Wimbledon, dimanche dernier, après cinq sets interminables contre Djokovic. Vidé. Comme un coureur de marathon tombe au sol, après avoir franchi le fil d’arrivée et passé 42 kilomètres à suer. Claqué. On n’en peut plus. On n’est pus capables ! On est arrivé au bout de nos efforts. Au bout de nos forces. Le travail nous a eus. Le corps relâche. Le mental lâche. L’ensemble est knocké. Pour le compte de dix ou quinze journées.

Enfin, les vacances !

Le problème, c’est qu’on ne reste pas allongé très longtemps. Le temps de reprendre son souffle, on se relève, en demandant : « Qu’essé qu’on fait ? » L’humain est un hyperactif épuisé.

Ce n’est pas la nature qui a horreur du vide, c’est nous. Pourtant le mot est clair : vacances. Comme dans vacant. Inoccupé. Libre. Abandonné. Pourquoi remplissons-nous nos vacances ? Pourquoi les bourrons-nous d’activités ?

Pascal, le penseur, l’a si bien dit : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer au repos, dans une chambre. »

C’est fort comme énoncé. Tout le malheur, pas juste quelques malheurs, la boîte de Pandore au complet, toi, chose, est causée par notre incapacité à rester tranquille dans notre piaule. On est intolérant à l’oisiveté.

Certains diront qu’ils connaissent des gens qui ne se tuent pas à l’ouvrage. Dont le gène du farniente semble assez développé. Vrai. Quiconque a attendu des heures pour se faire servir dans un bureau du gouvernement ou dans un magasin le sait. Mais ce n’est pas parce que ces personnes ne font pas ce qu’elles sont censées faire qu’elles ne font rien. Au contraire. C’est parce que ces personnes font autre chose qu’elles ne font pas ce qu’elles sont censées faire.

De toute façon, on n’est pas là pour parler de la job, on est là pour parler des vacances. Même le plus paresseux des travailleurs se démène durant son congé.

La preuve : qui, parmi vous, chères lectrices et chers lecteurs, va passer les deux prochaines semaines, au repos, dans une chambre ? Aucun. Vous avez tous des plans. Des visites, des réceptions, des voyages, des sports de prévus. Un horaire chargé.

Selon Pascal, ce besoin constant de divertissements est notre façon de fuir l’angoisse de la mort. Le repos, aussi partiel soit-il, nous confronte avec le repos éternel. Voilà pourquoi on se fatigue autant, même en vacances. Pour ne pas réfléchir au fondement de l’existence.

Plutôt que de se demander : être ou ne pas être ? On préfère se demander : barbecue ou resto ? Netflix ou cinéma ? Golf ou tennis ? Escalade ou glissades d’eau ? Piscine hors terre ou creusée ? Mettre de la 30 ou de la 60 ? La Main ou le Maine ? Bas dans les sandales ou sandales pas de bas ?

Ça occupe l’esprit. Et le reste, aussi.

Les vacances, ça change le mal de place.

N’est-ce pas là la condition humaine : passer son temps à changer le mal de place ?

Des esprits plus positifs, plus proches de Youppi ! que de Pascal, diraient qu’à force de changer le mal de place, on finit par trouver la place où l’on est bien.

Et c’est souvent durant ses vacances qu’on la trouve.

Assis dehors sur une chaise ou sur une roche, étendu dans l’herbe ou sur le sable, à regarder la mer, le lac, la rivière, la montagne ou les étoiles. En pensant, seulement, à combien c’est beau.

Cet instant-là, ce moment Pascal, où tout semble sur pause, y compris nous, recharge nos batteries pour cinquante semaines.

C’est ce que je vous souhaite, pour les deux qui s’en viennent.

Bonnes vacances !