Il n’y a pas une solution unique – ni deux ou trois – permettant à elle seule de régler les crises de logement et de l’itinérance. Mais pour savoir quoi faire, la méthode est assez simple. Les décideurs devraient s’enfermer dans une pièce, verrouiller la porte et avaler la clé.

Le sommet sur l’itinérance qui se déroule ce vendredi à Québec ne devrait pas être exceptionnel. De telles rencontres, il en faut plus, autant pour l’itinérance que pour le logement. Car vu de l’extérieur, une impression de désordre se dégage.

Ceci n’est pas une chronique pour dire qui devrait faire quoi et quand. Je veux simplement expliquer comment une meilleure coordination et une meilleure définition des rôles permettraient d’éviter plusieurs des ratés actuels identifiés par les experts.

Il serait trop facile de dépeindre la nouvelle génération de maires en héros progressistes qui se battent contre Ottawa et Québec.

Le maire de Québec vise « l’itinérance zéro ». C’est louable. Mais comme avec le climat, les cibles ne signifient pas grand-chose. Ce qui compte, c’est le plan pour y parvenir.

Pour l’instant, on voit plutôt des plans promus chacun de leur côté par les municipalités, les provinces et le fédéral.

En 2017, le gouvernement Trudeau a annoncé sa stratégie sur le logement, dotée d’une enveloppe de 40 milliards répartie sur 10 ans. Comme d’habitude, il a fallu des années avant que le fédéral s’entende avec les provinces pour distribuer les enveloppes. Et ensuite, il restait à transférer ces sommes aux municipalités. Par exemple, des villes disent avoir réservé des terrains pour de futurs logements, mais attendre l’argent pour commencer le travail.

Autre symptôme de cette lenteur : jeudi, Justin Trudeau a annoncé l’abolition de la TPS pour les constructions d’immeubles locatifs. Le hic : il l’avait promis en 2015… Il a fallu huit ans pour bouger. Ç’aurait été moins interminable si les libéraux avaient jasé à la même machine à café que les provinces et les municipalités.

M. Trudeau a reproché aux villes de décourager la construction de logement à cause de leur bureaucratie, et il n’a pas tort.

Avec son règlement 20-20-20 qui exige un quota de logement abordable, social et familial dans les nouvelles constructions, Montréal a augmenté les coûts de construction, et donc incité les promoteurs à aller voir ailleurs ou à ne rien faire. En plus des diverses redevances prélevées aux promoteurs, les délais d’attente pour obtenir un permis sont longs. Comme l’a révélé le Journal de Montréal, la mairesse Valérie Plante a construit trois fois moins de logements abordables qu’elle ne le prétend.

Mais si les municipalités imposent ces contraintes, c’est aussi pour compenser leur manque à gagner. Leurs responsabilités n’ont jamais cessé d’augmenter depuis le début des années 1990. Elles dépendent de l’impôt foncier. N’ayant que cet outil, elles l’utilisent pour cogner partout.

On ne peut donc pas critiquer cette bureaucratie sans la mettre en lien avec le financement provincial. La réforme de la fiscalité est complexe. Elle ne se réglera pas en quelques semaines. Mais au minimum, Québec pourrait établir de nouveaux critères de densité. Cela protégerait les maires la prochaine fois qu’une poignée de citoyens essaient de bloquer un projet immobilier intégré au transport collectif.

Tout cela peut sembler très loin de l’itinérance. Mais en logement, les vases sont communicants.

La demande de logements augmente à cause de l’immigration et de la hausse du prix des condos – les jeunes demeurent locataires plus longtemps.

L’offre est déficiente à cause des retards et des coûts imposés aux promoteurs, des taux d’intérêt, de la pénurie de main-d’œuvre ainsi que des sous-investissements historiques dans le logement social, que le gouvernement Legault n’a pas renversés. Ceux qui en souffrent le plus sont évidemment les gens sans le sou. La preuve, les évictions sont devenues la principale cause de l’itinérance, juste devant les troubles de consommation de drogue et d’alcool.

Pour l’itinérance, avant le sommet avec les villes, le gouvernement caquiste aurait pu organiser plus de réunions à l’interne. Le manque de coordination commence à l’intérieur de l’État.

En 2021, la recommandation 14.1 du plan d’action en itinérance proposait de « préciser les rôles et les responsabilités » de chaque acteur. Deux ans plus tard, on attend encore. On parle de la simple définition des tâches !

Les experts exhortent les 10 ministères concernés à travailler en équipe, idéalement avec un ministre responsable. Et en misant sur la prévention et sur la réinsertion en logement. Les minorités sexuelles, les Premières Nations, les toxicomanes, les enfants de la DPJ et les ex-prisonniers sont surreprésentés dans la rue. Ceux qui les côtoient au quotidien ont d’excellentes suggestions à faire au gouvernement, mais ils se demandent à qui parler. Autre exemple souvent entendu : après un avis d’éviction, un soutien devrait être apporté à la personne qui se trouve sans logement.

Avis aux pingres, la répression et l’aide de dernier recours coûtent plus cher, et le communautaire est à bout de souffle.

Voilà ce qu’on appelle une crise – des crises, en fait – à facteurs multiples. C’est déjà assez difficile à gérer. Pas besoin de le faire chacun dans son coin, en jouant au héros ou à la victime.