« Guy, help ! »

Il fallait voir Isabelle Beaulieu, la présidente de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), se cacher dans un coin de son bureau, dos à la caméra, et appeler à l’aide son collègue Guy Grenier, lorsque les journalistes de l’émission J.E. se sont pointés pour recueillir ses commentaires.

Help ! Help !

Voyez-vous, Isabelle Beaulieu, qui dirige un organisme financé à 100 % par l’argent des contribuables montréalais, estimait n’avoir aucun compte à rendre au sujet des dizaines de milliers de dollars en dépenses ahurissantes mises au jour par le bureau d’enquête de Québecor.

Guy Grenier, secrétaire général de l’OCPM, est venu à sa rescousse pour chasser les reporters, demandant même l’intervention d’agents de sécurité.

« Vous n’avez pas à être ici. »

Les journalistes avaient tout à faire là, bien au contraire.

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Québecor égrène depuis plusieurs jours les révélations scandaleuses au sujet de l’OCPM, sur ses différentes plateformes.

Voyages douteux aux frais de la princesse en Afrique, en Europe et en Australie, repas dans les plus grandes tables de Montréal et de Paris sur le bras des contribuables, mobilier de luxe, écouteurs à 900 $, conflits d’intérêts à gogo… 

Chaque révélation est plus choquante que la précédente. Pas tant à cause des sommes en jeu, mais en raison de la désinvolture totale affichée par des dirigeants de l’OCPM envers la gestion des deniers publics.

Une désinvolture qui avait déjà cours à l’époque où Dominique Ollivier (la numéro 2 de l’administration de Valérie Plante) dirigeait l’organisme, de 2014 à 2021.

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Il relève du cliché de dire qu’un grand ménage doit être fait à l’OCPM, et vite. Je ne comprends même pas ce qu’Isabelle Beaulieu et Guy Grenier font encore en poste.

Il faut dire que M. Grenier est peut-être trop occupé pour démissionner ces jours-ci. Il est en mission… au Brésil ! Tenez-vous bien : il doit participer à un panel de 45 minutes au sujet de la création d’un office de participation publique à Longueuil1.

La mairesse Valérie Plante a dénoncé ce nouveau voyage mardi pendant une mêlée de presse. Elle s’est aussi scandalisée de l’attitude d’Isabelle Beaulieu, celle qui déteste les caméras (et la reddition de comptes).

Cela fait du bien de voir la mairesse hausser le ton. Mais le problème est beaucoup plus vaste, malheureusement.

Ce qui m’enrage, et je suis loin d’être le seul, c’est que la nonchalance affichée par l’OCPM dans la gestion des deniers publics semble largement répandue dans l’appareil public montréalais.

Il se prend des décisions douteuses à la pelletée à Montréal, comme je l’ai déjà relevé dans une série de chroniques2.

Les dociles contribuables ont de plus en plus l’impression de se faire rouler dans la farine par leurs décideurs, alors qu’ils doivent se serrer la ceinture pour affronter l’inflation dans toutes les sphères de leur vie.

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Ce qui nous ramène à Dominique Ollivier, l’ex-présidente de l’OCPM et grand manitou des finances à la Ville de Montréal.

Cette même politicienne qui présentera la semaine prochaine le budget de 2024 de la métropole et annoncera aux Montréalais des hausses de taxes qui pourraient flirter avec les 5 % pour l’année qui vient.

Mme Ollivier avait, selon moi, déjà perdu beaucoup de crédibilité lorsqu’elle a décidé d’accorder non pas un, mais deux bonis aux cadres de la Ville en 20233.

Ses explications à ce sujet ont fluctué au fil du temps. En gros, elle a fini par dire que le boni de 2020, qui avait été annulé, avait en fin de compte été reporté.

Dur à suivre (et à accepter) comme justification.

Dominique Ollivier, qui a encore la pleine confiance de Valérie Plante, devra donc convaincre les contribuables qu’elle gère leur argent durement gagné de façon rigoureuse, la semaine prochaine.

La Ville de Montréal mettra-t-elle le frein sur les dépenses non essentielles pour 2024 et les années suivantes ?

Je suis peu rassuré.

Voici pourquoi.

Une personne très haut placée dans l’administration montréalaise m’a récemment interpellé, en marge d’un évènement, pour me parler d’une de mes chroniques. Elle n’avait pas aimé que je fasse un parallèle entre la facture élevée – 91 millions de dollars – qui devra être payée par les contribuables pour piétonniser la voie Camillien-Houde, sur le mont Royal, et le manque à gagner de la Ville pour financer les transports et le logement.

Il s’agit là d’une dépense d’immobilisation, qui n’a absolument rien à voir avec le budget d’exploitation de la Ville, m’avait-on fait valoir.

Du petit change, ou presque. Comme si cet argent ne provenait pas de la même source (vous et moi).

Cette personne a droit à sa vision. Mais les Montréalais auront aussi le droit d’accueillir très sévèrement le budget qui sera dévoilé la semaine prochaine, surtout s’il est bel et bien présenté par Dominique Ollivier.

Logements étudiants

J’ai écrit lundi que le gouvernement du Québec toucherait un rendement « prioritaire » dans le projet de logements étudiants piloté par la Caisse de dépôt dans l’ancien hôpital Royal Victoria. À des fins de clarté, précisons que c’est la Caisse qui toucherait un rendement « prioritaire » sur les revenus locatifs. Elle verserait ensuite des sommes au gouvernement, au-delà d’un seuil de rendement qui reste à déterminer.

1. Lisez « Le secrétaire général actuellement au Brésil » 2. Lisez « Cette désagréable sensation de ne pas en avoir pour son argent » 3. Lisez « Double boni pour les 1800 cadres »