Le bras droit de la mairesse avait prévenu les Montréalais, début octobre : préparez-vous, il va falloir vous serrer la ceinture. La main sur le cœur, Dominique Ollivier, chargée des finances de la Ville, avait juré qu’elle examinait minutieusement chaque service de chaque arrondissement afin de trouver la moindre dépense à réduire. Un travail pénible, mais rigoureux. « On est en train de retourner toutes les pierres. »

Ne me remerciez pas, madame Ollivier, mais j’ai trouvé 3 millions de dollars pour regarnir vos coffres, comme ça, sans même avoir à retourner le moindre caillou. Il vous suffit de mettre la clé sous la porte de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), un machin que vous connaissez fort bien puisque vous en avez présidé les destinées de 2014 à 2021…

Un machin, disais-je, qui ne sert strictement à rien, sinon à permettre à ses dirigeants de manger dans les meilleurs restaurants et de voyager aux quatre coins du monde aux frais de la princesse.

Souvenez-vous, madame Ollivier : à vous seule, en quatre ans, vous avez flambé 17 793 $ à l’Europea, au Monarque et à d’autres grandes tables de la métropole. Chaque fois, sur le bras du contribuable.

Ce même contribuable que vous preniez pour un con, je veux dire en pitié, début octobre, en expliquant qu’il faudra bientôt hausser son compte de taxes : « On a à cœur la capacité de payer et les intérêts de la population, disiez-vous, mais il y a des réalités auxquelles on ne peut pas échapper… »

Avec le recul, je dois vous le dire, votre message passe mal. Depuis les révélations des médias de Québecor sur vos dépenses ahurissantes à l’OCPM, je dirais même qu’il ne passe pas pantoute. Voici une autre réalité à laquelle vous ne pouvez pas échapper : vous n’avez plus la légitimité requise pour demeurer présidente du comité exécutif de la Ville de Montréal.

En 2019, l’OCPM a consulté 10 000 Montréalais afin de connaître leur point de vue sur l’avenir de la voie Camillien-Houde. Après avoir consulté tout ce monde, l’organisme a rédigé un beau gros rapport, qui recommandait de maintenir la circulation automobile sur le mont Royal.

L’administration de Valérie Plante s’est empressée de ranger le beau gros rapport sur une belle grosse tablette. En septembre, elle a annoncé que la voie Camillien-Houde serait sans voiture. Au diable la recommandation de l’OCPM ! Et l’avis des Montréalais consultés, du même coup…

C’est dommage, parce que pour une fois, l’OCPM aurait pu servir à quelque chose. Après tout, la mission première de cet organisme entièrement financé par les fonds publics est de consulter, justement, le public montréalais.

Mais si c’est la mission de l’organisme, voulez-vous bien me dire ce que vont fabriquer ses dirigeants en Australie, aux Pays-Bas, en France, en Espagne, en Côte d’Ivoire, au Mozambique, au Brésil, au Mexique, au Royaume-Uni, au Maroc, en Suisse, en Argentine, en Tunisie et aux Émirats arabes unis ?

Sérieusement, ça sert à quoi, tous ces voyages ? Je veux dire, à part produire des rapports faméliques et remplis d’insignifiances ?

Tout comme Dominique Ollivier, Isabelle Beaulieu, qui lui a succédé à la présidence de l’OCPM, s’accroche à son poste. Le secrétaire général de l’organisme, Guy Grenier, aussi. Ça n’a tout simplement pas de sens. Ils ont tous trois pigé dans le plat de bonbons avec un culot inimaginable.

Ils ont dilapidé les fonds publics avec une ardeur qui forcerait le respect, si ce n’était pas si insultant.

Des écouteurs à 900 $. Des billets de hockey à 500 $. Un souper d’huîtres à 347 $ à Paris. C’est Dominique Ollivier qui l’a mis sur son compte de dépenses, celui-là, par un beau dimanche de 2016. Elle avait jugé parfaitement normal, semble-t-il, de célébrer l’anniversaire de son ami Guy Grenier aux frais des Montréalais. Les copains d’abord…

Non seulement ces gens-là se sont permis de dépenser les deniers publics sans compter, mais ils l’ont fait entre amis. Il flotte une insupportable odeur de copinage sur ce scandale.

Sinon, comment expliquer que la candidature de Guy Grenier ait été jugée idéale, en 2022, pour pourvoir le poste de secrétaire général de l’OCPM ? Quatre ans plus tôt, l’homme avait pourtant été destitué de son poste de chef de cabinet du maire de Saint-Jean-sur-Richelieu…

À ce jour, Guy Grenier demeure empêtré dans des démêlés judiciaires coûteux et acrimonieux avec la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu. Il me semble qu’on aurait pu se dire, à l’OCPM, qu’il était dans une position trop délicate pour occuper un poste de haut dirigeant au sein de l’organisme.

On aurait pu noter que les élus de Saint-Jean-sur Richelieu avaient dénoncé le « double emploi » de Guy Grenier : en plus d’être chef de cabinet du maire, il était demeuré président du cabinet-conseil Ki3.

De toute évidence, on ne l’a pas fait. Pour l’OCPM, ça ne posait vraisemblablement aucun problème. Il faut dire que ce cabinet-conseil, Guy Grenier l’avait cofondé avec son amie… Dominique Ollivier !

Et à qui Guy Grenier a-t-il fini par céder son entreprise, en 2018 ?

À son autre amie, Isabelle Beaulieu, celle-là même qui l’a nommé secrétaire général de l’OCPM ! Sans le moindre affichage de poste, a-t-elle admis au Journal de Montréal, précisant tout de même être allée manger avec d’autres candidats potentiels.

Aux frais des Montréalais, se prend-on à imaginer sans peine.

Toutes les pierres ont été retournées depuis que ce scandale a éclaté, il y a une semaine. Il est impensable que nos trois copains restent en poste.

Impensable que Dominique Ollivier présente aux Montréalais le budget de la Ville, le 15 novembre, en leur disant que, désolée, on a vraiment fait tout ce qu’on a pu, mais votre facture municipale va bondir…

Impensable, surtout, que Valérie Plante continue de la défendre. Elle aurait déjà dû la congédier depuis des jours. Plus la mairesse attendra, plus le scandale lui collera à la peau.

Plus elle attendra, plus les Montréalais finiront par croire que, pour Valérie Plante aussi, ce sont les copains d’abord.