L’aviez-vous à votre agenda, la Coupe Grey 2023 ? Aviez-vous invité vos amis ? Prévu un buffet ? Bières et ailes de poulet ? Organisé un pool ? Acheté des décorations ? L’avez-vous regardée l’année passée ? Savez-vous qui l’a gagnée ? Je vous écoute…

Winnipeg ? Non. Edmonton ? Non. Hamilton ? Non. B.C. ? Non. Saskatchewan ? Non. Ottawa ? Non plus. Continuez, vous allez finir par l’avoir, il reste seulement trois équipes à nommer.

Avouons-le, vous ne pensiez pas regarder la Coupe Grey, ce dimanche soir. Vous songiez plus aux nouveaux épisodes de The Crown qu’au couronnement d’une équipe de football. Après tout, la Coupe Grey, ce n’est pas un rendez-vous sacré comme le Super Bowl. Le Super Bowl, ça, vous l’avez à votre agenda : le dimanche 11 février 2024. Méchant gros party. Tellement gros que vous ne vous rappelez plus qui l’a gagné, l’an passé. Tandis que la Coupe Grey ne vous a jamais grisé.

Mais voilà que contre toute attente, les Alouettes de Montréal ont réussi à s’y rendre. Ça change tout. Pour une fois que les Montréalais risquent de gagner autre chose qu’une augmentation de taxes, faudrait en profiter. Ça fait 30 ans qu’on n’a pas gagné la Coupe Stanley. Treize ans qu’on n’a pas gagné la Coupe Grey. On n’a jamais gagné le championnat de la MLS. On ne peut pas dire que ce sont les défilés de vainqueurs qui nuisent à la circulation de la métropole.

Soudainement, la Coupe Grey a, pour nous, une immense valeur. Si les Alouettes la remportent, que notre joie demeure ! On va crier ! On va klaxonner ! On va fêter ! Yéé ! On est les premiers ! C’est comme nos champions olympiques qu’on ne regarde qu’une fois tous les quatre ans. On n’est pas des amateurs de sports. On est des amateurs de médailles.

Faut dire que la Ligue canadienne de football n’a pas inventé le marketing. En 1963, il y avait 6 équipes dans la Ligue nationale de hockey. Aujourd’hui, il y en a 32. En 1963, il y avait 9 équipes dans la Ligue canadienne de football. Aujourd’hui, il y en a 9. En 60 ans, tous les circuits professionnels ont prospéré, sauf la LCF. La Ligue canadienne de hockey, qui regroupe toutes les équipes juniors du pays, compte 60 franchises, de Victoria à Saint John. Comment se fait-il que la LCF ne parvienne pas à se déployer dans 12 marchés ? Québec ? Halifax ? Mississauga ? Ou Kelowna ? Ça créerait des rivalités. Ça augmenterait la pertinence des matchs en saison. En ce moment, 66 % des équipes sont assurées de participer aux séries. C’est peu d’enjeu. Bref, une expansion donnerait un nouveau souffle à cette ligue qui semble aussi immobilisée qu’un quart-arrière qui vient de subir un mégasac.

Cela dit, ce dimanche soir, c’est la Coupe Grey, et les Alouettes en font partie, alors, youpi ! Rendez-vous à 18 h dans votre salon. Pas sûr ?

Vous allez me dire que vous n’avez pas regardé un match de l’année. Ça ne vous empêche pas de regarder le Super Bowl. Vous allez me dire que vous ne connaissez pas les joueurs. Ça ne vous empêche pas de regarder le Super Bowl. Vous allez me dire que vous ne connaissez pas les règlements. Ça ne vous empêche pas de regarder le Super Bowl. Vous allez me dire que vous n’aimez pas le football. Ça ne vous empêche pas de regarder le Super Bowl. Vous allez me dire que vous n’aimez pas le football canadien. Faites un effort !

C’est une question de patriotisme. Qu’il soit canadien, québécois ou montréalais, c’est tout inclus. Pour une fois qu’on n’a pas besoin des Américains pour vivre quelque chose, vivons-le ! Si vous êtes fédéraliste, pour une fois qu’un évènement fédère tout le Canada, adhérez-y ! Si vous êtes séparatiste, pour une fois que Montréal peut supplanter le Rest of Canada, ne boudez pas votre plaisir.

Cette Coupe Grey imprévue opposant les Alouettes de Montréal aux Blue Bombers de Winnipeg (c’est bon que vous le sachiez) est le meilleur remède à la grisaille de novembre. Bien sûr, il ne faut pas vendre la carcasse du bombardier avant de l’avoir descendu, les Alouettes étant les underdogs, ce qui est assez rare pour des oiseaux. Les Blue Bombers de Winnipeg sont les grands favoris. Mais c’était la même donne, la semaine passée : les Argonauts de Toronto devaient largement l’emporter. Et voyez ce qui est arrivé : vous êtes pognés à regarder la Coupe Grey. Car ce serait bien fanfaron de votre part de participer aux festivités du défilé, dans les rues de Montréal, sans avoir vu un seul jeu des héros de la journée. Il y a des limites à l’opportunisme.

Invitez des amis de dernière minute, faites-vous venir de la pizza, la Coupe Grey, c’est à la bonne franquette. À l’image de notre beau pays. Ce sont souvent les soirées les moins planifiées qui se révèlent être les plus appréciées.

Go, Alouettes, go ! Donnez-nous de quoi fêter !