Quelle ville est à la fois la meilleure au monde pour les étudiants, la troisième au monde pour les touristes et la grande absente du nouveau top 100 des municipalités canadiennes les plus désirables ?

Vous l’aurez sans doute deviné : Montréal.

Le Globe and Mail a publié le week-end dernier un palmarès des villes « où il est le plus agréable de vivre » au pays. Ce classement a pris en compte 10 catégories, comme l’économie, l’accès aux soins de santé et le marché immobilier, combinées à 43 sous-critères1.

Toutes ces données ont été analysées pour 439 villes d’un océan à l’autre, puis placées dans un immense malaxeur, pour concocter un top 100 qui comporte son lot de mystères.

Outre l’absence de Montréal, qui reste un endroit remarquable malgré ses nombreux défauts, j’ai été bien surpris de retrouver Québec seulement au 44e rang.

La capitale est citée depuis des années comme l’une des villes les plus dynamiques au Canada, avec son économie bouillonnante et ses maisons encore hyperabordables (sans parler de sa beauté reconnue par l’UNESCO).

C’est comme si la question du coût de la vie avait été reléguée à l’arrière-plan de ce palmarès, alors qu’il s’agit d’un enjeu crucial lorsque vient le temps de choisir une ville pour s’établir.

Ce qui enlève, selon moi, une couche de sérieux au classement du Globe.

Quelle ville est la plus attrayante du Canada, donc ?

Victoria, en Colombie-Britannique.

Quiconque l’a déjà visitée pourra le confirmer : la municipalité de 95 000 habitants est magnifique, avec son bord de mer accessible, son climat tempéré, son architecture exquise, son vaste réseau cyclable, ses commerces de proximité à profusion…

C’est aussi l’une des municipalités les plus chères au pays. Les maisons s’y vendent en moyenne 862 000 $, et le loyer moyen atteint 1704 $ par mois. Mais toutes les autres qualités de Victoria ont été suffisantes pour « contrebalancer » ses prix exorbitants, selon le Globe – et lui assurer ainsi la position de tête.

À l’exception de Winnipeg, Regina et Calgary, les municipalités qui occupent les dix premiers rangs du classement sont toutes fort dispendieuses. La valeur moyenne des maisons de ce top 10 se situe à 1,13 million de dollars.

Comment se positionne le Québec dans ce palmarès bien Canadian ?

Pas très bien.

On trouve seulement 12 villes québécoises, sur 100, et les mieux cotées sont loin d’être les plus abordables. Dans l’ordre, il y a la riche enclave montréalaise de Mont-Royal, en 11e position (prix moyen des maisons : 1,4 million), suivie de l’encore plus cossu Westmount en 16e place (prix moyen : 1,8 million) et de Rosemère en 30e position (prix moyen : 665 000 $).

Des villes splendides, mais qui sont loin d’être à la portée de toutes les bourses.

Plus bas dans le classement, au 44e rang, se trouve Québec, où le prix moyen des maisons est d’à peine 339 000 $. C’est l’un des rares endroits où les jeunes familles de la classe moyenne peuvent encore acheter une maison sans s’endetter jusqu’au cou. À preuve, relève le Globe, à peine 16 % des ménages de la capitale consacrent plus du tiers de leurs revenus à se loger.

(Aveu : je consulte régulièrement les sites d’annonces immobilières pour reluquer toutes ces belles unifamiliales que je pourrais m’offrir à Québec, pour le prix d’un demi-condo montréalais.)

Les critiques ont fusé depuis samedi dans la section des commentaires du Globe, certains dénonçant par exemple l’absence de villes des Maritimes. C’est un classique : personne n’est jamais content – sauf ceux qui sont au sommet.

Il y a quand même des aspects intéressants dans ce classement interactif. On peut, par exemple, choisir la meilleure ville selon ses goûts personnels, en fonction d’une série de critères. Un bel exemple de journalisme de données, bien exécuté, qu’on soit d’accord ou non avec les conclusions.

Ce qui nous ramène à Montréal. Et, de façon plus large, à la validité des palmarès de tous genres sur les « meilleures villes » publiés pratiquement tous les mois.

J’ai tendance à toujours prendre ces classements avec un énorme grain de sel. Leur méthodologie est souvent opaque, voire inexistante, et les critères utilisés sont aussi élastiques qu’une boule de pâte à modeler.

Rappelons-nous, par exemple, que le magazine Time Out a choisi la rue Wellington, dans le quartier montréalais de Verdun, comme « la plus cool au monde » en 2022. Sans vouloir porter ombrage aux fiers Verdunois et à leur pétillante artère commerciale, ce choix en a laissé plus d’un songeur. Moi inclus.

Au gré des classements, Montréal apparaît tantôt comme un chef-d’œuvre magistral, tantôt comme un cancre absolu, et souvent dans un entre-deux beaucoup plus réaliste que la 142e position que lui a accordée le Globe and Mail le week-end dernier.

Quelques exemples en vrac :

La métropole a été citée au 60e rang parmi les meilleures villes au monde par la firme Resonance, en octobre.

Toujours le mois dernier, Lonely Planet nommait Montréal comme troisième destination touristique mondiale à visiter, grâce à son offre culturelle foisonnante et à sa scène gastronomique survoltée.

En mars, Montréal était classé par un site australien comme la meilleure ville étudiante du globe, devant 338 autres municipalités de 85 pays.

Preuve qu’il faut toujours observer ces classements avec un bémol, Montréal a aussi été nommé ville la plus intelligente de la planète en 2016. Cette même métropole qui n’arrive toujours pas à doter son système de transports en commun d’une application de paiement mobile en 2023…

Comme quoi il faut en prendre (un peu) et en laisser (beaucoup), avec ces mille et un palmarès.

1. Lisez le palmarès du Globe and Mail (abonnement requis ; en anglais)

Toutes les valeurs immobilières mentionnées proviennent du palmarès du Globe and Mail et pourraient ne pas refléter les variations de prix des derniers mois.