Cela faisait au moins une semaine que vous n’aviez pas eu de nouvelles de l’OCPM, cette bibitte paramunicipale entachée par les dépenses outrancières et les conflits d’intérêts de ses dirigeants.

Vous étiez-vous ennuyés ?

Si oui, voici des informations aussi fraîches qu’un souper d’huîtres parisien à 347 $ payé avec vos impôts.

L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a publié tout discrètement, cette semaine, un rapport sur l’avenir du secteur Bridge-Bonaventure. Ce projet de redéveloppement urbain, en bordure du fleuve Saint-Laurent, sera l’un des plus importants de la prochaine décennie, avec plus de 7600 logements, des parcs, des bureaux et tout le tralala.

C’est énorme et ça changera le visage de Montréal.

L’OCPM, donc, a envoyé son rapport à la Ville le 14 novembre dernier, en plein cœur d’une immense controverse, et l’a publié sur son site web il y a deux jours.

Pas d’annonce, pas de communiqué.

Je reviendrai un peu plus loin sur les principales conclusions de ce document de 124 pages. Pour vous mettre en appétit, sachez que le mot « transversal » apparaît six fois, et le terme « innovant », à dix reprises.

*** 

Je ne sais pas si elle voulait faire un chant du cygne dans la tourmente, mais toujours est-il que le rapport a été signé par la présidente déchue de l’OCPM, Isabelle Beaulieu.

Et diffusé à un bien drôle de moment, il faut le dire.

Isabelle Beaulieu l’a envoyé aux élus montréalais le 14 novembre, alors que les appels à sa démission se multipliaient déjà depuis plusieurs jours, dans la foulée des révélations de Québecor sur les dépenses ahurissantes de son organisation. (Elle a été congédiée une semaine plus tard par le comité exécutif pour « faute grave ».) 

Au-delà du timing douteux de ce rapport, certaines de ses 21 recommandations m’ont laissé circonspect. La première, notamment.

Préparez-vous, c’est fleuri.

L’OCPM demande à la Ville de Montréal de tenir compte de ses recommandations « en incluant dans l’énoncé de vision une référence explicite à l’audace, à l’ambition et à l’esprit d’innovation qui seront indispensables pour atteindre les objectifs de tous les volets de développement du secteur ».

Clair et utile. Merci.

D’autres recommandations sont plus concrètes, je dois le souligner. Elles portent entre autres sur la nécessité d’inclure un volet important de logements abordables, d’ajouter une école et de protéger les nombreux éléments patrimoniaux de ce secteur historique.

Les enjeux de cohabitation entre les industries lourdes et les futurs résidants du quartier sont aussi soulignés à gros traits, avec raison. Les commissaires ont épluché 113 mémoires et entendu des dizaines de citoyens, et la diversité des points de vue transparaît à la lecture du document.

*** 

Il reste que ce rapport est une patate doublement chaude pour l’administration de la mairesse Valérie Plante.

Car la crise, à l’OCPM, est loin d’être finie.

Oui, Isabelle Beaulieu a été virée, oui, l’ancienne patronne Dominique Ollivier a quitté la présidence du comité exécutif de la Ville dans la foulée du scandale, mais le cas du secrétaire général de l’organisme, Guy Grenier, n’est toujours pas réglé.

Ce dirigeant, qui caviardait lui-même les documents d’accès à l’information au sujet de son salaire, continue de s’accrocher. C’est seulement lorsqu’un président par intérim sera nommé à la tête de l’OCPM que Guy Grenier pourra être congédié en bonne et due forme.

Le futur dirigeant devra revoir de fond en comble les façons de faire de l’organisation, d’ici à ce qu’un président officiel prenne le relais. Plusieurs candidats seraient sur les rangs pour cet intérim, selon le cabinet de Valérie Plante, qui espère une nomination d’ici Noël.

Voilà pour le grand ménage administratif à venir. Ce sera seulement une partie de l’équation.

L’OCPM, ou ce qu’il en restera, aura fort à faire pour retrouver une quelconque légitimité, et pas seulement à cause de sa gestion épouvantable des deniers publics. La pertinence de cet organisme a été mise à mal dans un dossier tout récent qui soulève les passions chez les Montréalais : celui de la voie Camillien-Houde.

La recommandation numéro 1 du rapport de l’OCPM, publié en 2019, sur l’avenir des voies d’accès au mont Royal, était celle-ci : « maintenir la circulation automobile sur l’ensemble de l’axe Camillien-Houde/Remembrance, tout en revoyant son aménagement pour le transformer en une voie qui s’intègre mieux à la vocation du parc du Mont-Royal et respecte son patrimoine naturel ».

Qu’a fait l’administration Plante en 2023 ? Elle a ignoré cette première recommandation pour piétonniser le versant est de la montagne.

On ne refera pas ici le débat autour de cette décision politique, mais elle démontre tout de même que les conclusions de l’OCPM sont prises avec un sapré grain de sel aux plus hauts échelons de l’appareil municipal.

*** 

Pour revenir au projet du secteur Bridge-Bonaventure, on m’assure que l’administration municipale « analysera » le rapport de l’OCPM au cours des prochaines semaines, et en tiendra compte pour modifier son plan d’urbanisme.

C’est le deuxième rapport que pond l’OCPM sur ce futur quartier – le premier date de mars 2020 – et Dieu sait s’il y en aura un troisième. Plusieurs aspects cruciaux devront être tranchés, entre autres la hauteur des immeubles et le nombre de logements prévus. Débats corsés à l’horizon, avec ou sans l’OCPM.

Une seule chose semble acquise à ce stade-ci : le projet sera innovant.