Pas déjà six ans ?

Oui, j’ai vérifié, ça fait six ans que je vous ai parlé de l’école Saint-Vincent-Marie de Montréal-Nord où des lutins s’assurent que les enfants (tous les enfants) reçoivent un cadeau de Noël1.

Je vous avais raconté la distribution des cadeaux, des cadeaux personnalisés, dans cette école dite défavorisée. Une école favorisée par les lutins de Noël. Une scène extraordinaire, qui m’avait jeté par terre : générosité, bienveillance, bonne humeur, tout cela était au rendez-vous…

Même le père Noël, c’est bien pour dire.

Faire venir le père Noël pour donner des cadeaux personnalisés à quelques enfants de l’école Saint-Vincent-Marie, c’était l’idée de l’enseignante Fanny Gendron.

Fanny avait activé son réseau pour que chaque enfant de sa classe reçoive un cadeau personnalisé.

La réponse avait été magique. Après trois jours, son appel à tous s’était répandu comme une traînée de poudre, partout au Québec : 600 personnes avaient accepté d’acheter un cadeau (ou plusieurs cadeaux). L’école comptait alors 780 élèves…

En poussant un peu, les 780 élèves de l’école Saint-Vincent-Marie avaient finalement pu recevoir un cadeau, choisi dans la liste soumise au père Noël. Il y avait même trop de donateurs : on avait donné des cadeaux aux kids d’autres écoles du coin…

Chaque année, depuis, les lutins de Saint-Vincent-Marie (les profs et les employés de l’école) offrent la visite du père Noël aux enfants de la maternelle à la sixième année, des classes de langage et d’accueil.

Cette année ?

Ben, cette année…

L’école est fermée. Comme des centaines d’écoles. Les lutins de Saint-Vincent-Marie sont en grève.

Et le syndicat est très pointilleux là-dessus : les camarades ne peuvent effectuer aucune tâche reliée à l’école. Y compris « toute autre tâche connexe », comme jouer aux lutins de Noël…

Donc, pour les enfants de Saint-Vincent-Marie (et le 2e cycle de l’école Sainte-Gertrude ainsi que le 1er cycle de l’école Sainte-Germaine-Cousin), en ce Noël 2023, tout indiquait que le père Noël devrait faire relâche…

Car je vous le demande : comment voulez-vous que le père Noël fasse sa job si ses lutins, petites mains de la générosité, ne sont pas au rendez-vous ?

C’était compter sans la magie de Noël qui, comme chacun le sait, est ce qui se rapproche parfois le plus du miracle.

Des lutins ont pris le relais ou plutôt… des lutines.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Julie Lacasse et Cindy Carvalho

Julie Lacasse et Cindy Carvalho ne sont ni profs ni orthopédagogues. Elles ont des amies profs et orthopédagogues qui sont en grève.

Et elles ont décidé que la magie de Noël allait quand même toucher les enfants de Saint-Vincent-Marie (et Sainte-Gertrude, et Sainte-Germaine-Cousin).

Elles ont orchestré une distribution de cadeaux, en amont, avec l’aide d’une maison d’édition, Erpi. Les enfants auront leurs cadeaux…

Des cadeaux ont été achetés. Des points de chute sont prévus. La distribution aura lieu dans deux semaines, le 21 décembre.

Mais le miracle, cette année, a besoin d’un coup de pouce…

Cette année, les plus jeunes ont droit à un cadeau, comme d’habitude. Logistique oblige, pour les plus vieux (3e à 6e), le père Noël offre une journée cinéma, avec pyjama et couverture.

— Pyjama, Cindy ?

— Oui, plusieurs enfants n’ont pas de pyjama…

Je n’ai pas osé demander dans quoi ils dorment, ces enfants. Je sais juste que chaque enfant devrait dormir dans son pyjama.

Voici le problème, dont je vous fait part, chers lecteurs : pour la portion pyjama-couvertures, il y a, comment dire, euh, un…

Un petit pépin de financement.

Les lutines ont amassé 2500 $, jusqu’à maintenant. C’est insuffisant, largement insuffisant. Elles ont lancé un GoFundMe. J’ai contribué, bien sûr. Maintenant, si deux ou trois lecteurs de cette chronique ont de la monnaie dans un tiroir, je suis sûr que le GoFundMe Les Lutins Saint-Vincent-Marie2 saura en faire bon usage…

Pour des pyjamas et des couvertures.

Ah, j’oubliais…

Je vous ai dit que deux lutines ont pris la relève de la dizaine de lutins et de lutines de Saint-Vincent-Marie qui, d’ordinaire, s’assurent que des centaines d’enfants reçoivent des cadeaux de Noël.

Les lutins habituels sont en grève. D’ordinaire, ils sont plusieurs qui s’occupent d’amasser de l’argent, de récolter les listes de souhaits des enfants, de collecter les cadeaux, de les entreposer, de coordonner la venue du père Noël, etc., etc., etc.

Cette année, Cindy et Julie sont les deux lutines responsables de l’opération.

Elles sont seulement deux.

Comment font-elles ?

Elles sont productives, oui.

Quoi, qu’est-ce que vous dites, chers lecteurs et lectrices…

Qu’elles doivent avoir de l’aide ?

J’ai fait des vérifications pour m’assurer que les grévistes, cette année, ne jouent pas aux lutins clandestins pour aider leurs élèves à recevoir, cette année, un cadeau…

J’ai donc appelé une source généralement bien informée, au pôle Nord.

— Père Noël, vous me jurez que les grévistes ne jouent pas au lutin cette année ?

Il est parti à rire de son gros rire joyeux si contagieux. Puis, il y a eu un long silence. Le père Noël est redevenu sérieux :

— Oui.

Je le crois.

1. Lisez la chronique « Un enfant à la fois » 2. Donnez à la campagne GoFundMe des Lutins Saint-Vincent-Marie