Mercredi, à l’Assemblée nationale, le leader parlementaire de Québec solidaire, Alexandre Leduc, a laissé tomber un « Fuck you, Simon ! » Non, ce n’est pas une chanson des Trois Accords. La chanson des Trois Accords, c’est Ouvre tes yeux, Simon ! Ici, il n’est pas question de Simon Proulx, mais de Simon Jolin-Barrette, le leader parlementaire de la CAQ.

Exaspéré par les propos de son adversaire, Leduc a osé le mot commençant par un F. Il n’est pas le premier député à utiliser un langage à en décrocher le crucifix. Oh que non ! Ils sont légion. L’ex-ministre délégué aux Transports Norman MacMillan, du Parti libéral, a traité la députée adéquiste Sylvie Roy de « grosse crisse ». L’ex-députée libérale Christine St-Pierre a déjà lancé à la première ministre péquiste Pauline Marois : « Va chier ! » L’ancien premier ministre libéral Jean Charest a quant à lui qualifié la députée péquiste Elsie Lefebvre de « chienne ». Sans oublier l’ancien député libéral Thomas Mulcair, plus rouge que jamais lorsqu’il a insulté l’ancien ministre péquiste Yves Duhaime en ces termes : « J’ai hâte de te voir en prison, vieille plotte. »

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Le leader parlementaire de Québec solidaire, Alexandre Leduc

Tout ça n’a pas été dit à La poche bleue, mais au Salon bleu. L’endroit où siègent les plus dignes représentants de la population. Faut-il s’en scandaliser ? Le porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois a rapidement minimisé les propos grossiers de son collègue.

On est en fin de session, tout le monde est fatigué. Les politiciens, c’est des êtres humains, hein. Il leur arrive de perdre le contrôle de leurs émotions. C’est ce qui est arrivé à mon ami.

Gabriel Nadeau-Dubois, au sujet des propos d’Alexandre Leduc

Vu de même. La fatigue, l’émotion, un « fuck you » est si vite arrivé. C’est certain. Le problème avec les gros mots, ce ne sont pas les gros mots, c’est ce qu’ils cachent derrière. Quelque chose de beaucoup plus énorme. Un climat de rivalité. Un climat d’hostilité. Constant. On ne se sacre pas toujours après, au parlement, mais on est souvent sur le bord de vouloir se sacrer après. L’insulte est un trop-plein, mais on est toujours plein.

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Le leader parlementaire de la Coalition avenir Québec, Simon Jolin-Barrette

Comme dirait Martin St-Louis, le système parlementaire, c’est « la game dans la game ». Il y a la game de voter des lois, d’adopter des projets pour améliorer la vie des citoyens, et il y a la game de vouloir le pouvoir. Ceux qui l’ont jouent pour le garder. Ceux qui ne l’ont pas jouent pour l’obtenir. Et cette game-là prend le dessus sur la première.

Les partis politiques, ce sont des équipes de hockey. Ils jouent les uns contre les autres. Ils scorent lorsqu’ils prouvent que l’autre a tort. Et ça passe ses journées à chercher des torts, pour augmenter son score.

Les oppositions dénoncent ce que fait le gouvernement. Le gouvernement dénonce ce que proposent les oppositions. Et parfois, à force de se traiter constamment de pas bons, on finit par se traiter de crisse de pas bons.

Mais le problème, ce n’est pas le crisse. Le problème, c’est de s’en vouloir autant. C’est de s’en vouloir tout le temps.

Une partie de souque à la corde, est-ce la meilleure façon de faire avancer une société ? Personne n’avance au souque à la corde. On reste sur place. On tire, on tire, jusqu’à ce que l’un des deux côtés s’écrase.

Pendant ce temps-là, le système de santé et le système d’éducation font du surplace aussi. Chacun tire de son bord. Et ça va mal, parce que ça allait mal et que ça ira mal.

Y a-tu moyen que le travail parlementaire soit un travail de collaboration ? Y a-tu moyen qu’on perde moins de temps à prendre l’autre en défaut et qu’on prenne plus de temps pour corriger les défauts ? Y a-tu moyen que les bons coups des politiciens ne profitent pas seulement à leurs sondages, mais profitent au quotidien des citoyens ? Y a-tu moyen que son comté soit plus important que son siège ? Y a-tu moyen que les 125 élus à Québec, au lieu de travailler les uns contre les autres, pour eux, travaillent ensemble, pour nous ?

À toutes les élections, tous les partis disent qu’ils savent quoi faire pour régler les problèmes en santé et en éducation, et peu importe lequel on élit, il n’y arrive pas. C’est peut-être qu’ils ont besoin d’aide.

Quand il y a une guerre, tout le monde se solidarise, tout le monde s’unit contre l’ennemi. Au diable la partisanerie. On se consulte. On se complète.

Nous sommes en guerre. Dans nos hôpitaux, dans nos écoles, dans nos rues. La maladie, l’ignorance et la pauvreté sont les ennemis. Ce n’est pas le député assis de l’autre côté.

Gens au pouvoir, arrêtez de regarder les autres de haut, comme si vous déteniez la vérité.

Gens de l’opposition, arrêtez de mépriser ceux qui dirigent, comme s’ils étaient tous des cons.

Ce n’est pas à Simon qu’il faut dire « fuck you », c’est à la game. La game qui fait que nos représentants sont poussés à travailler plus pour leur parti que pour le pays.

Je sais qu’on n’a pas trouvé mieux comme système.

Je sais aussi que tant qu’on ne trouvera pas, ça n’ira pas mieux.

Il n’y a qu’une façon d’améliorer les choses, c’est que chaque personne soit plus sensible au sort des autres, pas juste au sien.

Et c’est à l’Assemblée nationale de donner l’exemple.