Au débat des chefs de 2021, Jagmeet Singh accusait le gouvernement Trudeau de n’avoir rien fait pour l’environnement. À Québec, les caquistes reçoivent souvent de telles critiques.

On comprend les écologistes d’être déçus et de réclamer plus d’audace. C’est ce que les climatologues répètent également.

Québec et Ottawa bougent trop lentement, sans aucun doute. Mais on doit reconnaître qu’ils avancent dans la bonne direction. C’est ce que confirment deux rapports indépendants – signés par la firme Dunsky et l’Institut climatique du Canada – publiés dans les derniers jours. Ils illustrent aussi le contraste frappant entre les plans climat du provincial et du fédéral.

À Ottawa, les libéraux ont de l’ambition, mais les gestes ne suivent pas encore assez les paroles. Tandis qu’à Québec, les caquistes ont un discours plus modeste et prudent. Ils promettent moins, mais chaque mesure du plan est budgétée et réglementée ou légiférée.

Avant d’aller plus loin, une mise en garde : je m’apprête à comparer des poires et des concombres. Et de toute façon, le Québec et le Canada ne sont pas en compétition. Ils se battent ensemble pour la même cause.

Au Canada, la baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) qui reste à trouver devra venir en bonne partie du secteur pétrolier et gazier. Les libéraux doivent changer la structure industrielle du pays. Et ils sont menottés par la Constitution – l’exploitation des ressources naturelles relève des provinces.

Au Québec, l’essentiel de l’effort devra découler des transports. La solution passera entre autres par le changement des comportements individuels. C’est un autre défi politique. Et le Québec a une cible plus exigeante pour 2030. Elle consiste à réduire les GES par rapport au niveau de 1990, et non de 2005.

Dans les deux cas, ces objectifs ne permettent pas d’apporter notre contribution mondiale pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré et éviter le pire de la crise.

Mais à force de ne souligner que les échecs, on risque de sombrer dans le défaitisme et la résignation.

Or, il y a aussi des nouvelles encourageantes.

Si Ottawa fait tout ce qu’il a promis, en 2030, les GES auront été réduits d’environ 34 %. C’est tout près du but, soit 40 %.

Et Québec a déjà adopté des mesures lui permettant de réaliser un peu plus de la majorité des diminutions requises pour son objectif. Soit une baisse de 37,5 % des GES.

L’Institut climatique du Canada confirme les récents efforts du gouvernement Trudeau.

On peut distinguer ses mesures en trois catégories : celles qui sont simplement annoncées sur papier, celles qui sont en cours d’élaboration et celles qui ont été adoptées. Dans la dernière année, plusieurs projets ont été concrétisés, comme le règlement sur le carburant propre. D’autres ont été lancés, comme le plafond sur les émissions de gaz et de pétrole ainsi que la décarbonation de l’électricité.

Le graphique ci-dessous démontre l’incertitude qui demeure.

Projection de gaz à effet de serre au Canada en incluant les mesures du plan climat selon leur état d’avancement

INSTITUT CLIMATIQUE DU CANADA, DÉCEMBRE 2023

Source : Institut climatique du Canada, décembre 2023

Comme le rappelle l’Institut climatique du Canada⁠1, il y a un « risque majeur » : que les promesses achoppent.

Pour respecter la Constitution, Ottawa n’a pas plafonné la production pétrolière et gazière. Il offrira aussi à l’industrie des crédits compensatoires qui dilueront l’efficacité de son plafond. Et malgré tout, l’Alberta contestera ces règlements.

Voilà autant d’écueils. Le défi des libéraux : réussir à faire ce qu’ils promettent, et non en promettre plus.

À Québec, c’est presque le contraire. Selon les projections actuelles, le gouvernement caquiste a trouvé à peine 60 % des réductions requises. À titre de comparaison, en 2021, à peine 43 % des mesures avaient été identifiées. La tendance est donc bonne.

Et comme le démontre le rapport de la firme Dunsky, le plan a toutefois le mérite d’être honnête. Il ne calcule que les politiques déjà adoptées et financées. En incluant ce qui est à l’étude, on arrive à 70 % des diminutions espérées.

Pour la suite, les caquistes préparent des politiques notamment sur les bâtiments et sur le gaz naturel. Ils misent en outre sur l’électrification du parc automobile, même si pour l’instant, le nombre de véhicules à essence continue de croître. L’offre de transport collectif reste encore décevante. Les incitatifs manquent pour provoquer un changement d’habitudes.

Les ministres de l’Environnement ont aussi des personnalités différentes. À Ottawa, Steven Guilbeault est un écologiste pragmatique qui se bat contre la machine fédérale. Ses principaux adversaires, les conservateurs, l’accusent de trop en faire.

À Québec, Benoit Charette veut accompagner la population dans la transition, sans la bousculer, par crainte, dit-il, d’un « ressac », comme il l’a expliqué en entrevue avec La Presse mardi après-midi. Ses rivaux lui reprochent de manquer d’audace. À sa décharge, il obtient certains gains qui sont peu soulignés, comme l’octroi aux municipalités d’un droit de préemption et d’expropriation afin de protéger des milieux naturels.

Ce qu’ils font n’est pas encore assez. Mais ce n’est pas rien non plus, loin de là. Et surtout, ce n’est pas un travail facile.

1. Lisez le rapport de l’Institut climatique du Canada (en anglais)