L’affaire est entendue : l’État est sclérosé par une bureaucratie qui l’empêche de se gratter l’arrière-train sans le bon formulaire envoyé au bon numéro de fax.

Il y a un million d’exemples de structures gouvernementales qui manquent de ce mot à la mode, l’agilité. En santé, en éducation, à la SAAQ, non, l’usager n’est pas au cœur des proverbiales priorités : la priorité est de respecter les petites cases des formulaires. Les procédures avant les personnes.

Comme je le disais, l’affaire est entendue, l’État est inefficace dans la prestation de services. Mille réformes ont tenté de juguler ce mal, sous plusieurs gouvernements. Bonne chance à tous ceux et celles qui veulent insuffler un peu d’agilité là-dedans.

Peut-on parler des syndicats, maintenant ?

Il s’est passé des choses absolument risibles ces derniers temps dans les syndicats affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) quand les syndicats locaux ont dû demander à leurs membres de voter sur l’entente conclue avec le gouvernement.

À Montréal, l’assemblée virtuelle (en Zoom) a duré… neuf heures !

En Outaouais, l’assemblée virtuelle a duré… sept heures !

Celle des Basses-Laurentides, mercredi : huit heures !

L’assemblée virtuelle de l’Alliance des profs de Montréal a commencé à 17 h, après une journée de travail des profs. Ne pouvaient voter que ceux qui assistaient à l’intégralité de la rencontre virtuelle…

Et il a fallu deux heures (!) pour… adopter l’ordre du jour. Ensuite, enfin, la rencontre a pu commencer… à pas de tortue. Plusieurs profs m’ont raconté s’être endormis avant le vote, qu’ils ont fini par rater. D’autres, épuisés, incapables de se taper une nuit blanche, se sont débranchés, renonçant ainsi à exercer leur droit de vote…

Vote qui a commencé un peu après 1 h 30 du matin !

En Outaouais, le syndicat local a été un peu plus efficace que celui des camarades de Montréal : c’est autour de minuit que les syndiqués ont enfin pu voter.

Message d’une syndiquée des Basses-Laurentides, excédée, qui m’a écrit jeudi pour dénoncer l’assemblée-fleuve : « J’ai quitté avant le vote. C’était ma dernière assemblée syndicale. »

Le syndicat FAE des profs des Basses-Laurentides compte 5259 membres. Du nombre, 1896 syndiqués ont voté. Des centaines de personnes qui assistaient à l’assemblée virtuelle s’en sont débranchées avant le vote.

On peut penser que les exécutifs syndicaux font durer les assemblées pour s’assurer que les plus crinqués de leurs membres soient surreprésentés à la fin de la soirée. Peut-être. La démocratie étudiante – cousine germaine de la démocratie syndicale – est spécialiste là-dedans, particulièrement à l’UQAM.

Mais je ne veux prêter d’intention à personne. Je dis juste que les syndicats ne sont pas les rejetons de licornes et que là où il y a des camarades, il peut y avoir de l’hommerie. L’expression « paqueter une assemblée » n’existe pas pour rien.

Le mal est ailleurs, de toute façon. Je ne comprends tout simplement pas que la « démocratie » syndicale force les camarades à se taper des assemblées interminables (ou pas) pour avoir le droit de voter.

Quand je vote aux élections municipales, provinciales ou fédérales, personne ne me demande de prouver que j’ai bel et bien lu les programmes de tous les partis. Personne ne me demande de prouver que j’ai regardé tous les débats des chefs.

Je m’inscris sur la liste électorale puis… je vote. Point.

C’est radical, hein ?

C’est pourtant ainsi que la démocratie fonctionne au chapitre des villes, des provinces, du pays. Et ailleurs dans le monde.

J’ajoute : quand on vote aux élections municipales, provinciales ou fédérales, chacun vote à l’aveugle, sans avoir pris connaissance d’une partie des résultats dans un secteur de la ville. Les profs de la FAE, eux, votent actuellement en sachant ce que d’autres camarades, dans d’autres sections locales, ont voté.

Question : pourquoi un syndicat, en 2024, accepte-t-il un cadre archaïque qui produit les conditions propices à des assemblées de sept, huit ou neuf heures qui s’étirent dans la nuit ?

Pourquoi un syndicat, en 2024, n’envoie-t-il pas tout simplement les ententes à ses membres en disant : « On vote dans cinq jours, si vous avez des questions : écrivez-nous, appelez-nous, venez nous voir au local syndical, consultez nos explications sur le site web ou branchez-vous au Zoom qui aura lieu de midi à 14 h, après-demain » ?

Je tente cette réponse : parce que les syndicats ne sont pas plus agiles que le boss, c’est juste que ça paraît moins. C’est clair que ce processus « démocratique » soviétisant arrange les syndicats.

Je rirai quand ils critiqueront la lourdeur de l’État employeur : rien n’indique qu’ils feraient mieux.