Le gouvernement caquiste renonce à tenir un référendum « sectoriel » pour rapatrier les pouvoirs en immigration. Quelque part dans un univers parallèle, une personne est surprise.

Si François Legault le perdait, ce serait humiliant.

Et s’il le gagnait ? Au mieux, le fédéral négocierait en essayant de céder le moins possible pour ne pas aiguiser l’appétit des autres provinces.

Ce serait long. À court terme, l’impact serait surtout de légitimer les consultations sur l’avenir du Québec, à l’avantage du Parti québécois (PQ).

Or, la Coalition avenir Québec (CAQ) a été créée justement pour réunir les gens qui ne veulent plus s’affronter autour de cette question.

Malgré la montée du PQ, l’appui à l’indépendance bouge peu. Il plafonne autour de 35 %. N’empêche que le débat reprendra de la vigueur d’ici les prochaines élections.

Pour combattre le PQ, M. Legault ne veut pas trop jouer au capitaine Canada. Pour cela, il devra proposer autre chose que la peur du référendum.

Il fait face à l’habituel dilemme des fédéralistes : en demander autant que possible à Ottawa… tout en s’assurant de ne pas revenir bredouille.

La chasse est lancée pour de petits gains concrets.

En 2015, la CAQ dévoilait son « nouveau projet pour les nationalistes ». Outre la réforme de la loi 101, peu de souhaits ont été réalisés (la laïcité ne figurait pas dans le document).

M. Legault promettait à l’époque de récupérer des pouvoirs en immigration. Mais avant de se lancer dans cette aventure, il pourrait exercer ceux qu’il détient déjà.

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Le premier ministre du Québec, François Legault

Le programme « Mobilité internationale » de l’immigration temporaire relève du fédéral. C’est le plus populaire. Or, des juristes soutiennent que l’entente signée avec Ottawa en 1991 autoriserait Québec à le gérer, ou à le cogérer. Cela mérite d’être testé.

Le projet caquiste remettait aussi de l’avant la « souveraineté culturelle » jadis évoquée par Robert Bourassa. Comment l’avancer sans rouvrir la Constitution ?

On peut :

  • Négocier directement avec Ottawa pour rapatrier des pouvoirs, comme cela avait été fait pour mettre fin aux commissions scolaires confessionnelles ;
  • Prendre l’initiative d’utiliser ses compétences actuelles pour élargir son champ d’action. C’était la stratégie pour la Loi concernant les soins de fin de vie ;
  • Augmenter la représentativité et l’influence du Québec dans les institutions fédérales.

L’année dernière, le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, a commandé un rapport sur la culture à l’heure du numérique⁠1. Les auteurs sont crédibles et leur expertise est variée (Louise Beaudoin, Clément Duhaime, Véronique Guèvremont, Patrick Taillon).

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Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe

On le sait, les œuvres québécoises sont diluées dans l’océan du web. Le rapport formule 32 recommandations. L’une d’elles consiste à inscrire dans notre Charte un droit à la « découvrabilité » de la culture québécoise francophone, pour ensuite l’appliquer aux plateformes étrangères comme Netflix et Spotify.

Il y a toutefois un écueil. Le gouvernement Trudeau vient d’adopter une loi qui assujettira ces diffuseurs à la réglementation canadienne afin qu’ils financent et valorisent le contenu canadien et francophone. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) doit maintenant en préciser l’application dans les règlements à venir.

La démarche du Québec a l’avantage de cibler spécifiquement notre culture. Ce serait en outre une police d’assurance si un autre gouvernement essayait d’abolir la jeune loi fédérale – Pierre Poilievre a assimilé toute réglementation de l’internet à de la censure.

À Ottawa, on craint toutefois que l’ajout d’une réglementation québécoise crée de la confusion. Un géant étranger pourrait aussi cibler le Québec pour créer un précédent en attaquant sa réglementation.

Le rapport croit que l’ajout de normes pourrait au contraire ajouter une couche de protection en cas de poursuite. On y suggère en outre que le Québec tisse des alliances avec des pays comme la France afin de ne pas faire cavalier seul. Mais l’alliance la plus importante reste celle avec le fédéral.

La ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, est une interlocutrice précieuse – le Québec n’en trouvera pas de meilleure dans un parti fédéral. Mais son travail reste néanmoins de représenter tous les Canadiens.

M. Lacombe souhaiterait que le Québec soit directement consulté par le CRTC. C’est peu probable – le fédéral voudra défendre l’indépendance de l’institution. Mais on pourrait s’entendre pour trouver un mécanisme afin que le Québec soit mieux représenté parmi les dirigeants du CRTC, ou encore mieux défendu dans ses règles.

Toutes ces solutions demeurent toutefois défensives. En plus de visibiliser la culture sur les plateformes étrangères, Québec pourrait renforcer les nôtres.

Ce n’est pas simple, toutefois. En télé et en cinéma, l’offre est éparpillée sur différentes plateformes. Rares sont ceux qui peuvent toutes se les payer. On les finance avec nos impôts, puis il faut repayer avec un abonnement…

Une offre unifiée est improbable – Radio-Canada, Québecor et Bell sont des rivaux. Mais des compromis paraissent possibles, comme de déposer une émission sur une plateforme neutre au terme d’une certaine période d’exclusivité. De petits joueurs indépendants pourraient également être renforcés.

Selon mes informations, le ministre Lacombe va lancer un chantier sur le financement des productions culturelles. Voilà le genre de questions qui devraient l’intéresser.

On le voit, il n’y a aucun coup de circuit ici. Que des solutions plutôt techniques aux résultats incertains. Mais cela mérite à tout le moins d’être essayé.

1. Consultez le rapport des experts sur la découvrabilité des contenus culturels