La vérification déclenchée au cours des derniers jours par Québec au sein de l'administration de Gilles Vaillancourt porterait notamment sur des allégations de contournement du processus des appels d'offres, a appris La Presse.

Un des principes consisterait à faire en sorte que le montant total du contrat originel soit fractionné en plusieurs contrats dont chaque montant est inférieur au seuil requis pour lancer un appel d'offres, sur invitation. Au ministère des Affaires municipales, on confirme que les vérifications portent sur tout le processus d'«octroi des contrats».

Émilie Lord, la porte-parole du Ministère, précise que c'est une conjonction de facteurs qui ont suscité l'attention des vérificateurs, dont «une analyse de risques». Une plainte aurait aussi été reçue le 16 mars 2010. Mais son motif demeure confidentiel. «La plainte est toujours en traitement, les conclusions du Ministère devraient être transmises aux personnes visées par la plainte ainsi qu'au plaignant sous peu», nous précise-t-on.

Selon nos sources, le Ministère pourrait demander à Laval de revoir certaines pratiques et de se conformer dans un délai donné à de nouvelles directives sur les attributions de contrats.

Rapport accablant en 1995

Ce principe du fractionnement, s'il s'avère confirmé, avait déjà été dénoncé en 1995 dans un rapport rédigé par le comptable agréé Jacques Martin portant sur «certaines opérations financières de la STL et de Ville de Laval».

Le comptable qui agissait à la demande de Guy Chevrette, alors ministre des Affaires municipales, avait détecté plusieurs anomalies dans la gestion de la ville, notamment des «situations d'apparence de favoritisme».

Il écrit dans son rapport, que La Presse a obtenu, avoir «observé qu'à plusieurs reprises au cours de la même journée, plusieurs commandes inférieures à 5000$ avaient été octroyées», mais la «somme des commandes (...) excédait 5000$ par jour».

Un des bénéficiaires de ces contrats était une entreprise de construction «appartenant au beau-frère» du président de la STL, Jean-Jacques Beldié. Ce dernier, conseiller du district Laval-Les-Îles, est toujours en poste à la STL. La société en question obtient toujours des contrats de la STL.

M. Martin avait conclu que le fractionnement avait pour but de «contourner l'obligation de procéder à des demandes de soumission sur invitation auprès d'au moins deux fournisseurs».

À cette époque, chaque dépense comprise entre 5000$ et 50 000$ devait faire l'objet d'une demande de soumission sur invitation, contre 25 000$ à 100 000$ aujourd'hui.

«En plus de ne pas être conforme à l'esprit de la loi, déplorait Jacques Martin, cette pratique (...) va à l'encontre des objectifs généraux d'économie, d'efficience et d'efficacité».

Joint par La Presse, Jacques Martin «trouve désolant que ces pratiques puissent encore exister. Pour aller chercher de l'efficacité, il est toujours préférable d'aller en soumission».

L'attaché de presse du maire Vaillancourt, Jean-Maurice Duddin, a refusé de «commenter des suppositions», mais dit que la Ville «accueille favorablement cette vérification».

En 1997, la firme Caron Bélanger Ernst&Young avait conclu que «relativement à 15 des recommandations (du rapport Martin), Ville de Laval a mis en place les mesures correctives nécessaires pour répondre aux préoccupations soulevées (...) Pour les quatre autres recommandations (...), elles ne requièrent aucune mesure corrective».